Le Taurillon : Lancé en 2018, RES-TMO part du principe que la recherche énergétique dans la coopération transfrontalière reste peu développée, en dépit de la volonté européenne de soutenir les systèmes énergétiques régionaux. Pouvez-vous nous expliquer la genèse de votre projet ?
Ines Gavrilut : Le projet RES-TMO a officiellement débuté en février 2019 et bénéficie d’un co-financement d’INTERREG V – Rhin supérieur, provenant de fonds de développement régional de l’UE (FEDER) et il est dirigé par Prof. Dr. Barbara Koch de l’Université de Fribourg. Il se focalise en particulier sur les conditions de la création d’un système énergétique à base de sources d’énergies renouvelables, bas carbone, résilient, et l’utilisation des synergies énergétiques régionales. Ce sont des domaines encore peu explorés par la science.
Tandis que la plupart des études scientifiques, ainsi que des travaux sur la modélisation des systèmes énergétiques, prennent généralement pour objet d’étude l’Union européenne ou des pays européens spécifiques, nous utilisons ici une approche régionale. Ces angles de recherche ne sont pas uniquement techniques, mais incluent également des dimensions réglementaires, économiques et socio-culturelles (liées, par exemple, à l’acceptation sociale, aux programmes incitatifs, etc).
Le projet est né dans le cadre du cluster « recherches en durabilité transfrontalière du Rhin supérieur » (URCforSR), tout d’abord en tant que projet bénéficiant d’un capital d’amorçage (Seed Money) de la part d’Eucor – le Campus européen, puis développé en projet financé par INTERREG. Le cluster « recherche en durabilité transfrontalière du Rhin supérieur » est une institution rattachée à Eucor et dont le but est de rassembler les compétences des universités de la région du Rhin supérieur (Strasbourg, Mulhouse, Bâle, Fribourg-en-Brisgau, Karlsruhe et Coblence-Landau), dans les domaines de la recherche technique, scientifique, économique, juridique et socio-culturelle, le tout avec cette dimension de durabilité.
LT : Un autre volet du projet RES-TMO est la mise au point de recommandations politiques basées sur la science. Vous souhaitez mettre au point une feuille de route sur l’utilisation optimale des potentiels complémentaires et une intégration transfrontalière des énergies renouvelables dans la région. Quelle est votre stratégie d’influence politique auprès des institutions régionales, voire nationales et européennes ?
IG : En effet, le livrable final du projet se présentera sous la forme d’une feuille de route et d’une brochure avec le résumé du projet, à destination des décideurs politiques régionaux et nationaux. Notre rôle est celui de produire des informations scientifiques fiables, composés de scenarii différents, et pouvant être traduits en options politiques. Notre but n’est pas d’émettre des stratégies contraignantes pour les décideurs politiques.
LT : Malgré l’existence d’une politique climat-énergie au niveau européen, les législations françaises, allemandes et suisses sur la transition énergétique restent assez différentes. Est-ce un obstacle à une dissémination efficace des résultats du projet ?
IG : Les directives européennes sur l’énergie sont transposées différemment dans les droits français et allemand, mais doivent être conformes aux mêmes objectifs politiques (tandis que les règlements ont une applicabilité directe).
Les objectifs climatiques et énergétiques suisses sont, dans une large mesure, alignés sur les objectifs français et allemands. Ce n’est pas un obstacle à la dissémination de nos résultats de recherche, mais cela peut entraver la mise en place d’un système énergétique davantage interconnecté, basé sur les énergies renouvelables et sur la flexibilité des réseaux électriques (comme les technologies de stockage, la géothermie profonde, la conversion d’électricité en gaz, ou la gestion de la demande). Une harmonisation de la législation technique, ainsi que des procédures, peuvent aider dans ce sens.
LT : Quels liens entretenez-vous avec le monde socio-économique ?
IG : Nous avons plusieurs partenaires dans l’industrie (comme Badenova et TransnetBW) et nous sommes en contact étroit avec leurs homologues côté français (EDF, ENEDIS, RTE). Leur rôle est davantage celui de « testeurs » de nos résultats de recherche et sont également impliqués dans les lots de travail (Work Packages).
LT : Un des principaux problèmes identifiés concernant la coopération transfrontalière dans le Rhin supérieur est le manque de communication sur les projets transfrontaliers. Quelle est votre stratégie de communication auprès du grand public ?
IG : En effet, c’est aussi un problème que rencontre notre projet, dans la mesure où nos moyens en communication sont assez limités. Nos principaux outils de communication sont notre site internet, et les évènements que nous organisons, tels que les ateliers rassemblant des parties prenantes, et dont la promotion est faite par notre partenaire TRION-climate, le réseau trinational des acteurs du climat et de l’énergie dans le Rhin supérieur.
LT : Quelles sont les perspectives de recherche après 2020 ? D’autres projets sont-ils prévus pour prendre la relève de RES-TMO ?
Oui, nous avons plusieurs idées de projets qui prendraient la relève, quand bien même ils soient pour le moment à l’état d’ébauche. De manière générale, le travail du cluster « recherches en durabilité transfrontalière du Rhin supérieur » se focalise désormais sur le projet de reconversion territoriale de Fessenheim. Dans le traité d’Aix-la-Chapelle et le « projet de territoire » de Fessenheim, le conseil des ministres franco-allemand s’est mis d’accord sur une coopération dans le développement de la région autour de la centrale nucléaire de Fessenheim, après sa mise hors service (intervenue en février et juin 2020, ndlr).
Un objectif fondamental est la transformation de la région en territoire pilote, neutre en gaz à effet de serre, doté d’un système énergétique et de transport durable basé sur une production d’énergie neutre en carbone, tout en permettant la croissance économique régionale et la création d’emplois. Avec nos projets à venir, nous allons essayer de contribuer à ces objectifs.
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