Réseaux sociaux : la liberté viendra-t-elle de l’Est ?

, par Timothé Behm

Réseaux sociaux : la liberté viendra-t-elle de l'Est ?
Réunion de Viktor Orbán, Andrej Babiš, Mateusz Morawiecki et Igor Matovič. Source : site du gouvernement hongrois

Janvier 2021, salle de presse du Ministère de la Justice polonais. Sous le crépitement des appareils photos, le ministre conservateur Zbigniew Ziobro annonce préparer une nouvelle loi afin de garantir la liberté d’expression sur internet. Le ton est donné, la mainmise des réseaux sociaux sur la régulation de contenus a assez duré. Une position que partage son allié hongrois.

L’État reprend ses droits

Le bannissement de Donald Trump de plusieurs plateformes ne finit pas de susciter des réactions. Souhaitant limiter le pouvoir grandissant des réseaux sociaux, le gouvernement polonais se saisit de l’exclusion du Président américain pour présenter un projet de loi visant à limiter le pouvoir de modération effectué par les plateformes. La proposition de texte souhaite autoriser la suppression de posts à la condition que ces derniers violent la réglementation polonaise. Pour l’heure « les réseaux sociaux décident seuls quel contenu est censuré » comme le souligne Zbigniew Ziobro, cité par l’AF. Un monopole qui déplait. Selon le projet présenté, un « Conseil de la Liberté d’expression », composé de cinq membres, nommés par le Parlement sera créé. D’après le Secrétaire d’État Sebastien Kaleta, le Conseil aura pour mission de « protéger le droit constitutionnel à la liberté d’expression ». Ainsi, un internaute ayant ses messages retirés ou son compte bloqué pourra déposer une requête auprès du réseau social concerné. À la suite d’un délai de 24 heures et en cas de réponse négative par la plateforme de médias, le justiciable polonais pourra saisir le Conseil afin que ce dernier puisse statuer. Le projet de loi, prévu pour entrer en vigueur en janvier 2022, accorde la possibilité de faire appel devant les juridictions polonaises mais les sanctions prévues contre les entreprises de médias sociaux se chiffrent à plusieurs millions d’euros. Côté hongrois, même son de cloche. Le Premier ministre Viktor Orbán a promis de légiférer au printemps sur le sujet. Dénonçant les « abus systématiques », la Ministre de la Justice, Judit Varga, cherche à mettre en place des sanctions contre ce qu’elle qualifie de « shadowban ». Selon la ministre, certaines plateformes chercheraient à « réduire la visibilité des opinions chrétiennes, conservatrices et de droite ». Un projet de loi doit voir le jour à quelques mois des élections législatives prévues au printemps.

Développement d’alternatives

En prenant la décision de clôturer les comptes de Donald Trump, les plateformes américaines ont frappé fort mais n’ont pas suscité la sympathie de tous. Bien que les utilisateurs continuent d’utiliser massivement ces plateformes d’échanges, ils sont de plus en plus nombreux à se tourner vers des réseaux d’avantages attractifs ou revendiquant une totale liberté d’expression. La Pologne et la Hongrie ne font pas exception. Deux sites européens ont émergé en début d’année afin de rompre avec le monopole des réseaux sociaux américains. Le premier Hundub est apparu en Hongrie courant décembre et garanti « sans censure » selon son fondateur Csaba Pàl. Son homologue polonais Albicla a été lancé en janvier 2021 et se présente comme une « réponse directe à la censure croissante sur Internet ». Au-delà d’une interface similaire, les deux plateformes ont été confrontées à des difficultés dès les premiers jours. Les premiers utilisateurs se sont heurtés à des interfaces instables ainsi qu’à de multiples failles dans la sécurité des réseaux. Pourtant, ces débuts difficiles n’ont pas découragé les usagers, toujours plus nombreux. Cet engouement pour les réseaux sociaux nationaux est allé jusqu’à conquérir le Premier ministre hongrois qui a rejoint Hundub quelques jours seulement après son lancement.

La régulation européenne, à chacun sa vision

Le pouvoir de régulation des plateformes reste un sujet délicat à Bruxelles, tant les visions divergent. La récente décision de Twitter a provoqué la stupéfaction de certains leaders européens. La suppression des comptes ou de leurs contenus à tout moment et sans contre-pouvoir inquiète. La chancelière Angela Merkel a qualifié de « problématique » ce genre de méthodes. Le gouvernement français par la voix de son secrétaire d’État chargé de la transition numérique a rappelé pour sa part que de simples conditions générales d’utilisations comme socle à la régulation d’un espace public digitalisé était un peu « court d’un point de vue démocratique ». Le constat faisant l’unanimité, la solution au problème reste à déterminer. En effet, l’Europe cherche à augmenter le pouvoir des autorités de régulation afin de contraindre les plateformes à supprimer ou non des contenus litigieux. Si la mise en place d’un acteur européen est encouragée par le Premier ministre Polonais, d’autres pays comme la France préfèrent essayer de moduler leur droit national. Outre atlantique en revanche la vision est différente. La régulation de contenus relève de la seule compétence des plateformes, et ce, malgré la multiplication de mesures visant à partager ces prérogatives. Toutefois, la nouvelle administration semble davantage se tourner vers un nouveau projet de loi fédéral sur la protection des données, à l’image du Règlement général sur la protection des données personnelles européen.

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