“Slováci ožijú” : histoire du drapeau de la Slovaquie

, par Samuel Touron

“Slováci ožijú” : histoire du drapeau de la Slovaquie
Source : Andrea, Pixabay

“Les Slovaques renaîtront”, voilà qui résonne particulièrement en ce 1er septembre, jour de fête nationale. Le drapeau slovaque est l’un des plus récents d’Europe, témoignant de l’affirmation tardive de la nation et de l’État slovaque. Composé des trois couleurs panslaves, il est souvent confondu avec celui de la Slovénie et, plus rarement, de la Serbie ou de la Croatie. Pourtant, son écu, reprenant celui de la Haute-Hongrie, mais aux couleurs panslaves bleu-blanc-rouge, est en plein dans l’histoire slovaque. Celle d’un territoire slave membre de la Hongrie durant des siècles et qui, presque par accident, a fini par renaître, son hymne ne dit-elle pas à la seconde strophe : « To Slovensko naše posiaľ tvrdo spalo » (Notre Slovaquie a jusqu’ici profondément dormi) ?

Adopté le 3 septembre 1992, soit quelques mois avant l’indépendance, le drapeau de la Slovaquie est une création originale. Jamais, il ne fut le drapeau slovaque par le passé, le pays n’ayant jamais été complètement indépendant. Totalement neuf, il incarne le nouvel État slovaque. Les éléments qui le composent témoignent d’une volonté d’inscrire la Slovaquie dans le temps long de l’histoire européenne.

Le panslavisme au cœur

Trois couleurs dominent le drapeau de la Slovaquie : le blanc, le bleu et le rouge. Présents dans le fond du drapeau en trois bandes horizontales, un écu a été ajouté au drapeau afin de le distinguer d’autres États slaves dont la Russie. Ce dernier se compose également des trois couleurs panslaves. Si elle sont si présentes c’est qu’elles sont un facteur identitaire distinctif majeur pour la Slovaquie vis-à-vis de la dominante Hongrie. Témoignant du rattachement à l’espace slave, elle distingue ainsi la Slovaquie de l’espace magyar. Surtout, par le passé, ces trois couleurs ont été celle de la lutte pour l’autonomie puis l’indépendance de la Tchécoslovaquie. Ce sont les couleurs panslaves qui sont levées par les insurgés lors de la révolution de 1848. Ce sont elles qui flottent sur Prague durant la période tchécoslovaque. Elles permettent ainsi de rattacher la Slovaquie à un espace certes différent, mais surtout à une histoire plus longue et plus grande que celle de son indépendance. Le pays ne serait ainsi pas né en 1993 mais bien avant, dès le XIXe siècle et encore plus tôt dans le cœur de ses habitants. Le drapeau de la Slovaquie participe ainsi à la construction d’un roman national fédérateur et d’affirmation de l’identité nationale.

Les couleurs panslaves sont d’ailleurs celle du premier État slovaque « semi-indépendant » car satellite de l’Allemagne nazie. Le drapeau slovaque, entre 1939 et 1945, était alors le même que celui de la Russie actuelle. Son armée y ajoute la double-croix d’argent symbolisant les trois saints les plus importants du pays et plus généralement du monde slave : saint-Cyrille, saint-Méthode et saint Benoît de Nursie. Le drapeau slovaque témoigne ainsi de l’attachement profond de la Slovaquie à son identité slave, celle-ci étant la justification et la raison de son indépendance. Les couleurs panslaves sont au cœur du drapeau et les trois saints dont la double-croix est l’évocation sont la marque de l’attachement de la Slovaquie à deux mondes : slave d’abord, chrétien ensuite.

Les stigmates de la domination hongroise

Un bon observateur et un fin connaisseur des drapeaux d’Europe centrale a sans doute déjà été frappé par ce constat. L’écu, parfois présent sur le drapeau de la Hongrie et celui, toujours présent sur le drapeau de la Slovaquie, possèdent une même caractéristique : une double-croix d’argent surmontant trois montagnes. Il ne s’agit donc pas là d’un trait commun à deux peuples slaves mais plutôt de la revendication d’un même territoire, symbole des liens qui unissent Hongrie et Slovaquie et des tensions qui pourraient y renaître. En effet, ces armoiries, présentes sur le drapeau hongrois, sont le symbole de la Haute-Hongrie, territoire qui correspond à celui de la Slovaquie actuelle. Durant des siècles, la Slovaquie faisait partie du Royaume de Hongrie sous le nom de Felvidék, littéralement « Haut-Pays », devenu sur les cartes : Haute-Hongrie. La double-croix et les trois montagnes rappellent le passé hongrois et signifie l’appartenance pour les Hongrois, de la Slovaquie à la Haute-Hongrie.

Les Slovaques ne font pas la même interprétation de cet écu. Nous l’avons dit, la double-croix est une référence chrétienne à trois saints, ô combien importants dans le monde slave. Les trois montagnes ont, elles, une autre signification, très intéressante, témoignant des liens entre Slovaquie et Hongrie. Les monts symbolisent trois montagnes constitutives de l’identité et de la nation slovaque : il s’agit des monts Tatra, Fatra et Mátra. Or, si les deux premiers se trouvent bien en Slovaquie, le troisième, lui, est en Hongrie. Pour les Slovaques, la Slovaquie est donc encore sous domination hongroise. Le Mátra, montagne constitutive de l’identité slovaque, présente sur son drapeau, étant toujours hongroise.

Étendard du panslavisme, le drapeau slovaque témoigne cependant des liens séculaires qui l’unissent à la Hongrie. Si il est le symbole de la naissance d’un État slovaque indépendant - renaissance célébrée dans l’hymne national - il témoigne aussi d’une identité incomplète, l’écu présent sur le drapeau montrant que les frontières slovaques ne sont pas encore pleinement définies. Oui, “la Slovaquie s’est levée”, Už Slovensko vstáva, mais elle ne s’est pas encore pleinement affirmée et in fine, “les sapins poussent encore”, Ešte jedle rastú comme l’a écrit le poète slovaque : Janko Matúšk.

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