Taiwan : jusqu’où ira le rapprochement ?

, par Justin Horchler

Taiwan : jusqu'où ira le rapprochement ?
總統府 via Wikimedia

L’ambassade de Lituanie à Beijing, maintenant le “Bureau du chargé d’affaires”, est bien vide. Tout le personnel diplomatique et leur famille ont dû quitter précipitamment le pays après avoir appris par une note verbale le changement de statut de leur représentation, ainsi que l’expiration de leur accréditation. Les diplomates se sentaient menacés selon une source citée par Reuters, et allaient perdre leur immunité. Le repas de noël qui se tient chaque année à l’ambassade attendra une prochaine fois.

Les investisseurs lituaniens et certains de leurs confrères européens se plaignent désormais d’être ignorés par des entreprises chinoises et de voir leurs chaînes d’approvisionnement interrompues. Cette tension a débuté le mois dernier, lorsque le Ministère des Affaires étrangères lituanien a accueilli une toute nouvelle représentation diplomatique taïwanaise à Vilnius (de facto considérée comme une ambassade), une première en Europe.

Indépendance face à la Chine

La Lituanie reconnut officiellement la République Populaire de Chine comme “Chine” en 1949. Beijing ouvre une ambassade en Lituanie en 1992, soit deux ans après son indépendance. Parallèlement, les liens entre la Lituanie et Taiwan se resserrent. Taipei et Vilnius sont d’ailleurs jumelés depuis 1998.

Rappelons que la Chine revendique l’île, et menace de l’annexer “en utilisant la force si nécessaire”. Les appels à un débarquement se multiplient au sein de la communauté nationaliste chinoise sur Weibo (le Twitter local). L’espace aérien taiwanais est régulièrement violé par des avions de chasse chinois, jusqu’à 56 par jour comme le 4 octobre dernier. Les tensions sont donc au plus haut dans une région que The Economist a classée “la plus dangereuse au monde”.

La Lituanie a déjà annoncé quitter le mécanisme de coopération 17+1. Initié en 2012, la Chine souhaitait affaiblir toute coordination européenne en négociant de son côté avec ces États d’Europe centrale et orientale. La Lituanie se défend de mener une politique contre la Chine mais pro-européenne ; c’est le 27+1 avec la Chine qu’il faut promouvoir. Suite à ce retrait, le gouvernement lituanien a remplacé le réseau 5G de Huawei par celui d’un concurrent Suédois, Telia. Le parlement a également voté quelques mois plus tard une résolution accusant la Chine de crimes contre l’humanité contre la minorité Ouïghour.

Beijing considère ces actions comme une attaque contre le principe d’unité de la Chine (consensus de 1992, mais aussi les communiqués sino-américains de 1972, 1978, 1982), ce dont les autorités lituaniennes et européennes se défendent. Le ministre chinois des Affaires étrangères a “appelé les autres pays à donner la priorité à leurs propres intérêts, à défendre le droit international et à ne pas se laisser manipuler par un grand pays et s’empêtrer dans une confrontation inutile.”

Quid des alliés européens

Selon Bloomberg des diplomates européens auraient aidé leurs collègues lituaniens à quitter le pays. A Bruxelles, des pourparlers ont été organisés pour défendre cet état membre, et Charles Michel s’est entretenu avec le président du pays, Gitanas Nausėda.

La Lituanie doit être défendue. En effet, le Parlement européen avait notamment voté une résolution incitant les 27 à renforcer leur liens économiques et politiques avec Taiwan. L’île devait devenir un “partenaire clef” de la présence européenne dans le Pacifique. La Lituanie a eu le courage de le faire, l’Europe doit maintenant s’unir pour contrer l’influence grandissante de la Chine et respecter les engagements pris.

L’Estonie et la Lettonie sont, tout comme leur voisin, gouvernés par des coalitions de centre-droit. La Chine d’aujourd’hui leur rappelle de mauvais souvenirs soviétiques. De plus, le pays du milieu n’est pas un très grand partenaire économique des États baltes si l’on compare à d’autres États européens (la Lituanie exporte presque 8 fois plus aux États-Unis qu’en Chine). Les pays baltes sont donc méfiants de l’hégémonie chinoise, et suivent la tendance initiée par les États-Unis de normalisation de leurs relations avec Taiwan.

Les relations sino-européennes ne vont pas s’apaiser tout de suite. Nombreux sont les politiciens qui plaident pour des liens plus étroits avec Taiwan, au détriment de ceux avec Beijing. Les lois liberticides à Hong Kong, le traitement de la minorité Ouïghour et les tensions en mer de Chine ne sont que des arguments additionnels.

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