Tchétchénie : les homosexuels persécutés

, par Aude Evrard-Debatte, Sandra Fosso

Tchétchénie : les homosexuels persécutés
CC Flickr / mathiaswasik

Le 1er avril, le journal russe Novaia Gazeta, révélait que le gouvernement tchétchène persécutait les homosexuels de Tchétchénie. L’information que des centaines d’homosexuels souffraient de toutes sortes de violences fut relayée les jours suivants par les médias LGBT. Dans une interview donnée par le porte-parole du président tchétchène, Razman Kadyrov, il a été affirmé qu’aucune violence de ce genre ne pouvait exister dans l’Etat étant donné que l’homosexualité n’existe pas en Tchétchénie. C’est un point de vue qui en dit long sur la mentalité tchétchène à propos de cette question. Pour ajouter aux atrocités, le 4 mai, CNEWS titre : « la police tchétchène demande aux parents de tuer leurs enfants. »

Ces révélations choquantes ont soulevé un certain nombre de réactions, principalement des associations LGBT et ligues humanitaires, au moyen de pétitions et de manifestations défendant les droits des homosexuels et dénonçant l’inaction des organisations internationales.

De telles réactions sont surtout liées au fait que ces violences arrivent aux portes de l’Union européenne, et se passent au sein d’un pays qui a demandé à rejoindre l’Union Européenne il y a quelques années et avec lequel cette dernière a négocié en prenant en considération le respect des droits de l’Homme.

Si la Russie n’est pas connue pour être le pays des droits de l’Homme et si Poutine n’est notoirement pas un grand soutien des droits homosexuels, il paraissait encore impensable il y a peu qu’il laisserait de telles atrocités se produire sur son territoire. Il semblerait en effet que depuis février des homosexuels aient été arrêtés, parqués dans ce qui s’apparente à des camps de concentration modernes, torturés, certains tués par les autorités qui désormais appellent les familles à liquider elles-mêmes leurs enfants homosexuels, entrainant la mort d’un jeune homme de 17 ans, jeté d’un balcon par ses proches.

Le 6 avril, l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe s’est donc réunie à Vienne et a déclaré que si de tels actes de violence et de discrimination étaient bel et bien en train de se produire en Tchétchénie, alors la Russie serait en train de violer le pacte sur les droits civils et politiques de l’Organisation des Nations Unies ainsi qu’un certain nombre d’autres accords internationaux de protection des droits de l’Homme. Ils ont aussi demandé à la Russie de prendre ses responsabilités en engageant une enquête. Dans leur déclaration, ils ont rappelé la position européenne sur l’orientation sexuelle et l’égalité des genres.

Le 28 avril, cinq ministres des Affaires étrangères incluant la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, les Pays-Bas, et la Suède ont décidé de joindre leurs forces en écrivant une lettre commune exprimant leur inquiétude à leur homologue russe, Serguei Lavrov.

Sous la pression internationale, interpellé par les leaders politiques occidentaux, Poutine a finalement déclaré qu’il allait demander une enquête sur ces violations touchant des personnes à « l’orientation sexuelle non traditionnelle »... Une enquête qui ne devrait pas aller bien loin puisqu’elle a été confiée à une ancienne militaire, déléguée pour les droits de l’Homme auprès de la Douma, Tatiana Moskalkova, soutien appuyé de la loi contre la "propagande homosexuelle" de 2013 qui avait déjà considérablement fragilisé les droits des personnes homosexuelles dans le pays.

Manifestation de soutien des étudiants à Grenoble

Des étudiants de la prépa Val-de-Seine à Rouen, qui préparaient le concours d’entrée à Sciences Po Grenoble à propos des mémoires du goulag en Russie, ont initié une manifestation à Grenoble.

Les étudiants grenoblois ont ainsi fait le lien entre ce qui se passe actuellement en Tchétchénie avec l’absence de mémoire sur l’horreur des goulags en Russie. Pendant la manifestation, ils ont également demandé à ce que l’espace Schengen offre un asile aux homosexuels tchétchènes, sans passer par le processus d’enquête habituel vu l’urgence de la situation et des violations endurées par les personnes homosexuelles en Tchétchénie.

Une revendication également entendue lors d’autres manifestations de soutien, notamment lors des premiers et seconds tours de la présidentielle française, lors desquelles les manifestants avaient appelés les différents candidats à prendre clairement position en faveur des droits des homosexuels et contre la répression qui sévit en Tchétchénie - comme dans d’autres pays du monde connus pour leur intolérance sur cette question. Une pétition avait même été lancée pour interpeler les candidats mais aussi l’ONU et l’UNESCO pour leur demander d’intervenir.

La situation en Tchétchénie a cependant peu évolué depuis le début de la répression, et il est presque certain que la Russie, en feignant de diligenter une enquête par une déléguée « aux droits de l’Homme » acquise totalement au parti de Poutine, ouvertement homophobe, se contente d’étouffer l’affaire et avec elle, des dizaines voire des centaines de personnes menacées dans leurs droits fondamentaux. Il faudra alors compter sur une pression accrue des occidentaux et de l’Union Européenne, qui jusqu’ici ont été bien timides dans leurs condamnations.

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