Moritz Hergl à propos de l’Allemagne : Une spirale sans fin ?
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le passé nazi sert de modèle aux activistes de droite radicale pour perpétrer des actes barbares. Dans l’Allemagne d’après-guerre, de nombreux groupes paramilitaires se sont constitués, officiellement pour lutter contre le Communisme. Dans les années 1970 et 1980, ces groupes d’extrême-droite ont commis plus d’une vingtaine d’assassinats ainsi que des attaques contre des personnes de confession juive, qu’ils soient citoyens allemands ou étrangers. Bien que ces attaques fussent isolées la plupart du temps, les autorités ont commencé à suivre plusieurs groupes terroristes, en particulier le Parti national-démocrate d’Allemagne (NDP). Au début des années 1970, cette formation extrémiste de droite était représentée dans sept parlements régionaux et diffusait une idéologie nationaliste. Selon une décision de la Cour constitutionnelle fédérale datant de 2017, le NDP est « anti-constitutionnel », mais ne représente pas de menace à l’ordre libéral-démocrate.
Une série d’attaque commanditée par le « Parti national-socialiste souterrain » (NSU) a commencé en 2000. Le fleuriste Enver Şimşek aurait été la première victime des terroristes Uwe Böhnhardt, Uwe Mundlos et Beate Zschäpe. Ils ont assassiné neuf migrants et une policière, ils ont perpétré une attaque à la bombe artisanale dans une rue commerçante de Cologne, et ils ont braqué des banques. Leur motif, le racisme. Pourtant, les enquêteurs de police ont largement fermé les yeux sur le lien avec l’extrême-droite. Ce n’est qu’après les suicides de Böhnhardt et Mundlos ainsi que l’arrestation de Zschäpe en 2011 que le lien a été fait, même si plus de 40 informateurs de la police employés par l’Office de protection de la Constitution étaient proches du NSU.
En Allemagne le terrorisme d’extrême-droite n’appartient pas au passé. En 2015, la candidate CDU pour la mairie de Cologne, Henriette Reker, a été violemment attaquée. En juin 2019, Walter Lübke, préfet de Cassel et membre du même parti, a été assassiné. Les deux politiciens militaient pour une politique d’immigration ouverte. La synagogue de Halle a été la cible de violences d’extrême-droite en octobre 2019. Le terroriste ayant échoué à pénétrer l’édifice religieux, il a tiré sur une femme dans la rue et sur un homme dans un kebab. Le 19 février 2020, la haine et la terreur ont atteint de nouveaux sommets : à Hanau, un extrémiste de droite a tiré sur neuf migrants sur un bar à shisha.
L’extrémisme de droite a toujours été et sera toujours un problème sociétal dans le pays. Malgré de multiples promesses, le gouvernement et les autorités ne semblent pas capable de contenir efficacement la violence d’extrême-droite. Depuis 2013, le parti eurosceptique AfD (Alternative pour l’Allemagne) diffuse une rhétorique populiste, ce qui représente un terreau pour les attentats terroristes de droite.
Silvia Fallone à propos de l’Italie : les dangers du fascisme dissimulé
Connu à l’heure actuelle sous l’expression de « terrorisme noir », les actes subversifs armés de la droite ont provoqué de profonds troubles politiques et sociaux dans la seconde partie de la période d’après-guerre. A partir de la défaite du fascisme, puis du miracle économique des années 1950, en passant par les années de plomb, l’extrême polarisation du discours politique a entraîné de nombreuses attaques terroristes et actes de violence, comme l’attentat de la Piazza Fortuna, ou le massacre de Bologne, faisant 478 victimes entre 1969 et 1983.
Beaucoup de théories, encore aujourd’hui, ont été développées durant les années qui ont suivies, selon lesquelles les services de renseignements italiens seraient impliqués dans la plupart des attaques. Ils auraient agi pour empêcher l’alliance entre le parti de la majorité (la Démocratie chrétienne) avec le Parti Communiste italien, en assassinant un membre éminent de la Démocratie chrétienne, Aldo Moro.
A cette époque, la frontière entre le terrorisme de droite et de gauche était devenue difficile à distinguer. 30 ans plus tard, en décembre 2013, Matteo Salvini a été élu secrétaire général du parti d’extrême-droite La Ligue (du Nord). Sa rhétorique populiste, relayée sur Twitter, dissimulerait des messages à destination des extrémistes de droite, comme les membres de Forza Nuova et CasaPound Italia, des mouvements néo-fascistes nouvellement fondés. Avec le parti de Salvini, une autre formation politique dont les membres représentent une bonne partie des députés de droite, Fratelli d’Italia, a souvent apporté son soutien à la cause fasciste, jusqu’à présenter sur sa liste pour les élections européennes l’arrière petit-fils de Benito Mussolini, Caio Julio Cesare Mussolini.
Le résultat d’un tel climat politique est l’augmentation du nombre d’actes de violence aisément attribuables aux mouvements néo-fascistes. De 2014 à 2018, le pays a vu une augmentation de 100% des attaques à motivation politique, dont, entre autres, des arrestations de plusieurs membres de Forza Nuova qui ont été trouvés en possession de fusils, de mitrailleuses et même d’un missile de guerre français. Malheureusement, ces formes d’extrémismes ont jusqu’à présent toujours été sous-estimées, minimisées, ou même ignorées par les autorités italiennes.
Théo Boucart à propos de la France : Islamisme et ultra-droite : deux faces d’un même fléau
En se penchant sur les chiffres officiels, on se rend compte que les attentats perpétrés par des groupes islamistes ont causé bien plus de victimes que ceux revendiqués par l’extrême-droite. Ce n’est pas une surprise, eu égard aux attaques meurtrières que le pays a subies le 13 novembre 2015 qui ont tué 130 personnes et ont blessé 413 autres. Depuis lors, l’attention de la plupart des médias et des hommes politiques s’est posée sur la vie dans les banlieues difficiles, comme celles de Paris, ou d’autres villes telles que Marseille, Montpellier ou Toulouse.
Néanmoins, il ne faut pas oublier à quel point les groupuscules d’extrême-droite, ou même d’ultra-droite, peuvent être dangereux. Ces dernières années, une dizaine de personnes ont été arrêtées par la police car elles planifiaient des attaques. En octobre dernier, un homme a tenté d’incendier la mosquée de Bayonne, dans le Sud-Est de la France, puis a blessé deux personnes. Selon Jean-Yves Camus, politologue et spécialiste de l’extrême-droite, le nombre de groupes d’ultra-droite planifiant des attentats contre des Musulmans (radicalisés ou non), est resté stable depuis les attentats islamistes de 2015 et de 2016. Cependant, certains membres de ces groupes sont surnommés les « enfants du 13 novembre » car ils veulent porter atteinte à la population musulmane en représailles de la plus grande attaque terroriste perpétrée en France métropolitaine depuis 1945.
En outre, les théories du complot sont particulièrement populaires en France, surtout sur le « dark web ». L’une de ces théories fumeuses est le soi-disant « Grand remplacement », développé dans le livre éponyme du militant d’extrême-droite Renaud Camus. Cette théorie affirme que la civilisation européenne, blanche et chrétienne, est remplacée par des vagues d’immigration non-européenne et musulmane. La conséquence finale serait la « destruction de la civilisation française et européenne » (sic). Au final, les victimes du terrorisme islamiste et d’extrême-droite semblent être les mêmes : des citoyens français, peu importe leur milieu socioculturel, qui veulent vivre paisiblement.
Madelaine Pitt à propos du Royaume-Uni : Une paix fragile
L’Irlande du Nord a été pendant des décennies un foyer du terrorisme et a connu de nombreuses manifestations et conflits violents entre différents groupes ethnonationalistes. Durant le conflit nord-irlandais, les « nationalistes » et « républicains » visaient l’indépendance du pays, alors que les « unionistes » et « loyalistes » bataillaient pour rester membre du Royaume-Uni. Si l’accord du Vendredi saint, signé en 1998, mit en grande partie fin à la violence, il n’a pour autant ni sonné le glas des clivages divisant la société nord-irlandaise ni fait oublier les événements historiques à leur origine. Le sentiment de peur qui a envahi la population à l’idée de voir une nouvelle frontière physique apparaître à la suite du Brexit prouve que la paix n’est pas acquise et que les plaies causées par le conflit nord-irlandais sont encore ouvertes.
Ce contexte historique rend donc le Royaume-Uni particulièrement vulnérable aux actes terroristes, même si la majorité des derniers attentats en date, dont les deux plus mortels, étaient motivés par d’autres facteurs. En 2005, le métro de Londres a été la cible d’un acte terroriste d’envergure. Au Royaume-Uni, l’événement est aujourd’hui retenu par sa date, le 7/7. Quatre kamikazes avaient alors déclenché des explosions, emportant avec eux 48 personnes. Un scénario semblable s’est déroulé en 2017, lorsqu’un homme s’est fait exploser à la fin d’un concert d’Ariana Grande à la Manchester Arena, tuant et blessant des dizaines d’enfants.
Ces incidents, ainsi que presque chacun des actes terroristes « à plus petite échelle » ayant touché le Royaume-Uni ces 20 dernières années, étaient en lien avec des écoles de pensée islamistes radicales. La plupart des terroristes en question sont nés au Royaume-Uni, et la majorité des attaques ont eu lieu à Londres. Les gouvernements successifs considèrent depuis longtemps le risque d’attaque terroriste sur le sol britannique comme « élevé », voire « critique ».
En marge de la réponse politique, deux Londoniens ont fait le buzz sur Internet, après les derniers incidents à Londres. La première vidéo, devenue virale, montre un chef polonais. Il n’a pas d’arme à portée de main et saisit donc une grande défense ornant le mur de son restaurant pour attaquer le terroriste et le désarmer. Dans la deuxième vidéo, c’est un jeune homme qui fuit l’attaque au couteau du London Bridge. Il court pour sauver sa peau, mais il garde encore et toujours sa bière à la main. Sans en perdre une goutte.
Xesc Mainzer à propos de l’Espagne : un lointain souvenir ou un scénario envisageable ?
Le terrorisme d’extrême droite est un lointain souvenir pour de nombreux Espagnols. Il remonte aux années 1970, début 1980. À l’époque, des groupes armés d’extrême droite agissaient en toute impunité, profitant de la précarité de la nouvelle démocratie post-franquiste. La plupart de ces groupes voulaient empêcher la transition démocratique et réinstaurer complètement le régime dictatorial. D’après certaines estimations, ces groupes d’extrême droite espagnols ont tué jusqu’à 60 personnes entre 1975 et 1983.
C’étaient les personnalités et les mouvements liés à la gauche qui étaient principalement visés, mais le groupe terroriste basque ETA faisait également souvent office de cible. Jusqu’à la fin des années 1980, le combat contre l’ETA a continué d’être mené par un terrorisme parrainé par l’État. Même si l’existence du terrorisme d’extrême droite et du terrorisme d’État est largement reconnue, on les néglige souvent pour entretenir le mythe d’un processus de démocratisation pacifique, ignorant par la même des centaines de victimes de violence politique (touchée à la fois par le terrorisme et par la répression policière).
Depuis la moitié des années 1980, l’extrême droite n’a presque plus commis d’acte de violence armée. Cette pacification résulte d’un procédé de consolidation démocratique plus grand, dans lequel la fusion des groupes politiques de centre droit en un seul parti a joué un rôle essentiel pour lutter contre les idées d’extrême droite. Après près de quatre décennies sans terrorisme de droite, d’aucuns pourraient penser que la menace a été écartée. Toutefois, des doutes subsistent, surtout à la suite de la division du spectre politique de droite en différents partis, notamment la plateforme Vox, qui banalise ouvertement des idées d’extrême droite. Dans un monde où le terrorisme d’extrême droite resurgit, où le populisme séduit toujours plus et où l’instabilité politique devient la norme, il serait imprudent de prétendre que le terrorisme d’extrême droite n’existe pas, même en Espagne.
Ioana Petrescu à propos de la Roumanie : le racisme en Roumanie, un pas en avant, deux pas en arrière ?
Les attaques terroristes de Halle en 2019 puis celles de Hanau en 2020 ont choqué l’Europe entière. Elles ont rappelé à tout le monde les atrocités que pouvaient commettre des individus profondément racistes et nationalistes, et à quel point la probabilité que ces évènements se produisent est réelle, puisque les politiques de prévention ne sont pas appliquées correctement, voire pas du tout.
En Roumanie aussi, le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme, le sexisme et d’autre formes de discrimination existent. Les discours de droite populiste sont diffusés, aussi bien par certaines figures politiques que dans la culture populaire, en particulier dans la publication Romania Mare (« Grande Roumanie »), aujourd’hui disparue, ainsi que via le hip-hop.
Pourtant, ces idées ne s’expriment pas dans les institutions. Aucun parti de droite radicale n’est parvenu à rentrer au Parlement, comme Nouvelle Génération qui a arrêté de participer aux élections en 2014 dû à un nombre insignifiant de voix. Depuis, ce parti a été la cible de critiques internationales et est désormais considéré comme un parti d’extrême-droite nationaliste par les États-Unis. En outre, l’effort de l’État pour lutter contre la diffusion du racisme s’est concentré sur le vote de lois concernant la sécurité nationale : les services de renseignements collectent des informations sur les groupes et les actes d’extrême-droite puis les transmettent aux agences et institutions gouvernementales et aux autorités policières.
En outre, des organisations représentant les minorités ethniques sont représentées au Parlement : en 2018, 18 sièges sont réservés à la Chambre des députés. Toutefois, les Roms subissent de nombreuses attaques racistes, sans qu’il y ait une réponse satisfaisante de la part des autorités. Étant donné le fossé culturel, la construction d’une mémoire collective n’est pour le moment pas acquise.
1. Le 27 mai 2020 à 20:03, par dimitri francois En réponse à : Terrorisme d’extrême droite : une perspective européenne
Article des plus ridicule sans fondements !! a quand un pareil article sur le vrai fascisme soit celui de gauche et ses génocides ??
2. Le 27 mai 2020 à 21:44, par Théo Boucart En réponse à : Terrorisme d’extrême droite : une perspective européenne
Monsieur, votre commentaire est d’une stupidité navrante, à tout point de vue. D’une part, historiquement, le « vrai fascisme » comme vous l’appelez, est celui de Mussolini, et non celui de « gauche et de ses génocides ». D’autre part, ce n’est pas parce que nous évoquons l’extrême-droite en Europe que nous cautionnons la violence d’extrême-gauche. Il faut arrêter de raisonner en des termes si manichéens, à la limite du ridicule. Enfin, remettons les choses dans leur contexte : à l’heure actuelle, la violence de droite radicale et d’extrême-droite est responsable de bien plus d’agressions, parfois mortelles, que l’extrême-gauche, que ce soit en France ou dans la plupart des autres pays d’Europe.
3. Le 15 juillet 2020 à 20:32, par Teo aubray En réponse à : Terrorisme d’extrême droite : une perspective européenne
La gauche nous a ramené les arabo-musulman et les subsahariens qui nous tuent. L’extrême droite n’est qu’un grain de poussière face a eux.
Plusieurs agressions, chaque jour.
Un peu de respect pour nos frère et sœur.
4. Le 15 juillet 2020 à 22:57, par Théo Boucart En réponse à : Terrorisme d’extrême droite : une perspective européenne
Mais bien sûr, en plus d’être raciste, ce commentaire est complètement débile, l’extrême-droite ayant le « bilan humain » que l’on connaît...
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