Timide élection à la Présidence de la Commission européenne pour Ursula von der Leyen

, par Thomas Arnaldi

Timide élection à la Présidence de la Commission européenne pour Ursula von der Leyen
Crédits : © Union européenne, 2019 / Source : Parlement européen - Photo : Christian CREUTZ Le président du Parlement européen, David Sassoli (gauche), à côté d’Ursula von der Leyen élue Présidente de la Commission européenne (droite).

Le Parlement européen, réuni en session plénière à Strasbourg, a élu mardi 16 juillet 2019 la candidate désignée, Ursula von der Leyen, comme première femme Présidente de la Commission européenne. Avec une majorité de 383 voix sur les 374 requises, son avance de 9 voix ne lui permet pas de dégager une claire majorité pro-européenne au Parlement.

Ursula von der Leyen, ancienne ministre fédérale de la défense allemande, a été élue Présidente de la Commission européenne par les députés européens mardi 16 juillet. Proche de la chancelière Angela Merkel, elle a été membre de ses gouvernements consécutifs depuis 2005. Elle devient la première femme à accéder à ce haut poste à responsabilité de l’Union européenne et la deuxième personnalité allemande depuis Walter Hallstein, Président de la Commission européenne de 1958 à 1967.

La quête d’une majorité

Nommée deux semaines plus tôt par le Conseil européen au terme d’intenses négociations, Ursula von der Leyen est avant tout le fruit d’un compromis entre les chefs d’Etat et de gouvernement. Ministre en Allemagne durant la campagne pour les élections européennes, elle n’était donc pas candidate à la députation européenne, encore moins tête de liste (“Spitzenkandidat”) de quelconque parti politique. En treize jours, l’objectif a donc été de se faire connaître des députés européens pour former une majorité pro-européenne, tenter d’assouplir les clivages et d’unir autour de sa personnalité et d’un programme. A Bruxelles, Ursula von der Leyen confie à la presse qu’elle a rencontré les différents groupes politiques “pour travailler afin de les convaincre et de formuler le programme de travail pour les cinq prochaines années.”

Si ses priorités et son agenda s’ajustent aux revendications des groupes politiques, ses soutiens sont encore rares. Les sociaux-démocrates allemands (SPD) refusent catégoriquement de la soutenir, les Verts jugent insuffisantes les mesures proposées malgré la main tendue. Deux lettres sont envoyées aux groupes des Sociaux-démocrates (S&D) et de Renew Europe (RE) pour affiner l’ébauche du projet. Pour être élue Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a besoin de la majorité absolue des membres du Parlement européen, soit au moins 374 députés dont elle demande le soutien, un réel défi.

Opération séduction à destination des libéraux (Renew Europe), des Sociaux-démocrates (S&D) et des Verts (Verts/ALE)

Dans sa déclaration mardi 16 au matin au Parlement européen, suivie d’un débat avec les députés européens, Ursula von der Leyen, a clairement adapté son cadre programmatique en vue d’une compatibilité avec les Sociaux-démocrates et les Verts européens. Si les Verts ont salué plusieurs avancées par rapport aux précédentes auditions, elles ne sont pas jugées satisfaisantes pour “confier le gouvernail de l’Union” à la candidate résume Philippe Lamberts, coprésident du groupe des Verts au Parlement européen.

Pour les Libéraux (Renew Europe), un large soutien s’opère dès que quelques priorités sont retenues telle que la création d’une Banque sur le climat et la convocation d’une Conférence sur l’avenir de l’Europe en vue d’une réforme des institutions. Ursula von der Leyen intègre donc à son programme la création d’un fonds d’investissement à hauteur de 1000 milliards d’euros pour l’action climatique, de même qu’elle se prononce en faveur de l’instauration de l’initiative législative du Parlement européen ou une réflexion sur les listes transnationales pour les prochaines élections européennes.

Convaincre les Sociaux-démocrates (S&D) s’avère en revanche une réelle gageure. Pour des raisons de politiques nationales, plusieurs délégations s’opposent catégoriquement à la candidate. Ursula von der Leyen propose alors de nombreuses mesures prônées de longue date par le groupe politique comme l’établissement d’un salaire minimum européen ou bien un système de réassurance chômage pour faire face aux crises. Peu avant le scrutin, le groupe annonce son soutien à Ursula von der Leyen, précisant qu’il ne s’agit pas d’une décision unanime. Une quarantaine de députés ne voteront pas en faveur de la candidate désignée.

L’impossible majorité stable

Dans les couloirs, les journalistes et les assistants parlementaires sortent les calculatrices. Si le Parti populaire européen (PPE) dont est issue Ursula von der Leyen, Renew Europe (RE) et les Sociaux-démocrates (S&D) votent à l’unisson, on obtient une majorité stable de 400 députés en tenant compte des défections chez S&D. Une majorité suffisante pour élire la Présidente de la Commission européenne, quoique plus faible que celle obtenue par Jean-Claude Juncker en 2014 de 422 voix. Pourtant, certains députés appellent “à la responsabilité des Verts” de former une majorité pro-européenne, le doute est prégnant sur la majorité stable que les responsables appellent de leurs voeux.

Répartition des groupes politiques au Parlement européen selon leur taille et affiliation politique

Source : Parlement européen

A 19h30, le verdict tombe. 733 députés ont voté, 383 votes pour, 327 contre, 22 votes blancs, 1 nul. Ursula von der Leyen est élue avec 9 voix d’avance sur la majorité requise (374), loin des 400 voix supposées. D’autant plus que le Mouvement 5 étoiles (M5S) italien, siégeant parmi les non-inscrits et que le PiS polonais (Droit et justice) ont annoncé leur soutien à la candidate. De manière purement spéculative - le scrutin se déroule à bulletin secret - il s’avère donc que même des élus au sein du PPE (une quarantaine selon nos décomptes) n’ont pas voté en faveur de la candidate von der Leyen. De quoi laisser présager de nouvelles difficultés autour d’une majorité européenne. Parmi les 74 députés français, seulement 28 auraient soutenu la candidate Von der Leyen.

“Dans la démocratie, la majorité, c’est la majorité. Deux semaines plus tôt, je n’avais pas la majorité car on ne me connaissait pas. Je suis très heureuse qu’après treize jours seulement, on a réussi à former une majorité européenne” a déclaré la Présidente élue de la Commission européenne a l’issue de son élection. D’accord mais quelle majorité ? Les Verts veulent s’inscrire dans une opposition constructive en se joignant à la majorité au cas par cas, le PPE ne semble pas avoir totalement digéré l’échec du processus des Spitzenkandidaten et les S&D se disent “vigilants pour que les engagements pris soient respectés”, mélange “d’esprit de coopération” et d’avertissement sur le nécessaire soutien des S&D pour former la majorité. Seuls le groupe Renew Europe (RE) semble satisfait du processus.

La majorité qui se dessine au Parlement européen est donc une majorité fluctuante au gré des opportunités d’alliance sur les projets de la Commission européenne qui seront discutés. Le processus de nomination de la Présidente de la Commission européenne semble avoir affaibli l’institution garante de la démocratie européenne, la seule à être élue au suffrage universel direct par les citoyens européens. Ursula von der Leyen deviendra certes Présidente de la Commission européenne le 1er novembre 2019, mais devra sans cesse chercher la confiance d’une majorité pour poursuivre son action.

Les auditions de son collège de commissaires devront donc être intraitables pour que le Parlement joue son plein rôle de contrôle de la Commission européenne. Si le conflit interinstitutionnel a été évité de justesse mardi soir, aucun enthousiasme envers les méthodes du Conseil européen n’est à saluer.

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