La Grèce et l’Eurogroupe ont approuvé un troisième plan d’aide. La Grèce et les Grecs sont-ils sortis d’affaire ? La crise grecque qui divise les membres de la zone euro est-elle derrière nous ?
Le pire a été évité. Une faillite de la Grèce, accompagnée d’une sortie de la zone euro, aurait eu des conséquences graves pour la Grèce mais aussi pour tous les pays partageant l’euro. Cependant, l’état de l’économie grecque est aujourd’hui plus préoccupant qu’il ne l’était en janvier. Il y a un an, les institutions grecques pouvaient espérer une croissance entre 2,5% et 3% du PIB pour 2015. Aujourd’hui, la Commission européenne s’attend à une baisse de 2,3% du PIB grec en 2015. Même si, jeudi 13 août, l’agence nationale des statistiques (ELSAT) a annoncé une croissance, inattendue, de 0,8% au deuxième trimestre, il faut rester prudent car l’estimation doit être révisée le 28 août et beaucoup d’économistes craignent une forte dégradation de la situation économique au troisième trimestre. Une nouvelle baisse du PIB ferait, mécaniquement, augmenter la part de la dette qui pèse sur l’économie nationale.
Néanmoins, les tensions sur le secteur bancaire ont diminué grâce au ralentissement des retraits et, sans doute, à l’apport de devises liées au tourisme. Mercredi 19 août, l’agence de notation Fitch a considéré que l’accord du 14 août était suffisamment encourageant pour relever la note de la Grèce de CC à CCC, tout en précisant qu’il faudra du temps pour rétablir la confiance.
Plusieurs années seront sûrement nécessaires à la Grèce pour regagner de la productivité et pour bâtir un État solide, capable de collecter correctement l’impôt ou encore d’améliorer l’éducation et la formation professionnelle. La construction d’un État de droit est l’une des clés du redressement durable de la Grèce. À ce titre, l’équipe au pouvoir a une responsabilité historique pour mettre fin au système clientéliste entretenu par les deux grands partis (PASOK et Nouvelle démocratie) qui s’étaient, jusque-là, succédés au pouvoir.
La zone euro doit aussi se réformer. Que chacun gère bien ses finances publiques, et fasse les réformes requises dans le cadre national, est une condition nécessaire mais non suffisante du succès de l’euro. Il faut que les décisions qui concernent l’ensemble de la zone euro soient débattues publiquement, et non plus derrière les portes closes de l’Eurogroupe et du Conseil. Le débat au Parlement, le mercredi 8 juillet, en présence d’Alexis Tsipras, que nous demandions avec Guy Verhofstadt et le groupe ALDE depuis plusieurs mois, a été une réussite. L’engouement suscité sur les réseaux sociaux a démontré que, lorsque les débats se tiennent à une échelle pertinente, les citoyens s’y intéressent.
La crise grecque a révélé des dysfonctionnements dans la gestion de la zone euro. François Hollande demande la création d’un gouvernement de la zone euro, d’autres appellent à un Parlement de l’Eurozone. Soutenez-vous ces initiatives ?
Les propositions de François Hollande vont dans la bonne direction. Nous touchons aux limites du traité de Maastricht qui, en 1992, a créé une monnaie unique sans prévoir d’union économique ni de cadre démocratique. L’enjeu est aujourd’hui de remettre la démocratie au niveau où les décisions doivent être prises. Si les dirigeants nationaux jouent « légitimité nationale contre légitimité nationale », « peuple contre peuple », l’unicité de la monnaie est niée. La question démocratique est centrale : va-t-on continuer à faire croire aux citoyens que le cadre national est suffisant pour faire face à des défis européens communs ?
Le Parlement européen est censé être le Parlement de la zone euro car, à l’origine, tous les Etats devaient rejoindre l’euro. Il apparaît que ce n’est plus le cas. Cette solution provisoire ne peut plus durer. Elle revient à donner à un député originaire d’un État non-membre de la zone euro, ne contribuant pas aux plans de secours, le même poids qu’à un député dont le pays est dans l’euro.
François Hollande est cependant resté évasif sur la forme que prendrait ce Parlement de la zone euro. Certains ont en tête un nouveau Parlement, composé de délégations de députés nationaux, revenant ainsi à la situation du Parlement européen avant 1979. Je ne considère pas cette solution comme satisfaisante. Pourquoi avoir recours à des parlementaires nationaux, qui ont pour principales préoccupations et pour horizon les affaires intérieures, alors qu’il s’agit de transcender les intérêts nationaux pour dégager l’intérêt commun ?
Mieux vaudrait créer, au sein du Parlement européen, une formation zone euro. Cela aurait le mérite de la simplicité, sans duplication d’institutions ni surcoût. Certains Etats ont vocation à rejoindre la zone euro, pourquoi les exclure totalement des débats qui, à terme, les concernent ? On pourrait imaginer un statut d’observateurs, où les députés qui en sont issus, ainsi que les députés britanniques et danois, pourraient participer aux débats mais non aux votes.
Cette flexibilité institutionnelle ne serait pas dramatique : elle reflèterait plus exactement la réalité. Ceux qui ont fait le choix d’aller plus loin dans l’intégration ne sont pas freinés, mais ne constituent pas, pour autant, un « club » fermé. La France, si attachée au siège du Parlement européen à Strasbourg, s’honorerait à donner davantage d’importance à cette institution au lieu d’en saper l’influence en créant des enceintes rivales. Et les citoyens aspirent à la simplicité.
Vous avez cofondé en 2010 le groupe Spinelli. Pourquoi un tel groupe ? Quels sont ses objectifs et ses projets pour la nouvelle mandature ?
Avec Dany Cohn-Bendit, Guy Verhofstadt et Isabelle Durant, nous avons fondé le groupe Spinelli avec le désir d’affirmer notre vision pro-européenne au-delà des clivages partisans. Nous voulions relayer la voix des citoyens désireux de se saisir du débat européen. La crise de l’euro, comme l’arrivée massive de migrants, ont démontré qu’il est nécessaire d’approfondir la construction européenne. Il est grand temps de lancer des débats décloisonnés, transnationaux, pour concevoir ensemble notre avenir commun. Une Europe imaginative et créative qui puisse porter l’intérêt général européen est attendue, sur plusieurs fronts. Nous continuerons de porter le débat, par-delà les frontières, en abordant des sujets aussi variés que l’immigration, la défense commune, l’édification d’une démocratie.
Guy Verhofstadt, président du groupe ALDE au Parlement européen, prépare actuellement un rapport à propos d’une Convention européenne. De quoi s’agit-il ? Deux rapports sont actuellement en préparation au sein de la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen. Mercedes Bresso (S&D) et Elmar Brok (PPE) sont chargés d’étudier, dans un premier temps, les améliorations possibles du fonctionnement de l’Union européenne dans le cadre du traité de Lisbonne, actuellement en vigueur. Dans un second temps, Guy Verhofstadt tirera les conclusions de ce premier rapport en travaillant sur les améliorations appelant des changements de traité.
Les migrants continuent à accoster sur les côtes européennes et nombre d’entre eux attendent leur statut de réfugiés. Cette crise humanitaire en Méditerranée ne cesse de s’intensifier. Pensez-vous que la réponse des gouvernements européens est suffisante ? Faut-il aller plus loin et mettre en place une politique migratoire commune ? Si oui, sous quelle forme ?
Cette question est cruciale. C’est d’abord un drame humanitaire où les Européens doivent montrer que leur attachement à la dignité humaine n’est pas un vain mot. Ensuite, c’est une invitation à mesurer nos erreurs. Nous payons la facture de l’absence d’Europe diplomatique et militaire. Nous subissons aussi le contrecoup d’aventures menées par certains pays européens sans soucis d’apporter des solutions de moyen terme, comme en Libye.
On n’arrêtera le flux de rafiots qu’en agissant sur plusieurs plans. D’abord, la restauration de la stabilité en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Daesh est une menace terrible à nos portes. Déjà, un arc d’instabilité existe et les ramifications dans nos pays sont redoutables. Cela n’a rien d’évident : c’est une entreprise considérable, face à un ennemi radicalisé dans un contexte de conflits enkystés.
Ensuite, le développement. L’économie africaine a de formidables potentiels et pourrait croître de manière exponentielle lors des prochaines décennies, encore faut-il que soit encouragé un développement équilibré.
À plus court terme, les gouvernements européens gagneraient à jouer collectif. Les Français ne peuvent pas faire, en gros, aux Italiens ce qu’ils reprochent aux Britanniques. Le problème est moins celui du nombre de migrants présents sur un territoire comptant 500 millions d’habitants, que celui de leur répartition et de leur accueil. C’est pourquoi une politique migratoire commune, où chaque pays prendrait sa part, est nécessaire. Ces êtres humains, courageux, chassés de chez eux par la misère et la guerre ne sont pas seulement un fardeau, comme le prétendent certains leaders irresponsables. Au contraire, ils représentent une valeur ajoutée précieuse pour un continent vieillissant comme le nôtre. Naturellement, les capacités d’accueil, de logement, d’éducation ne sont pas illimitées, mais notre responsabilité de pays riches est immense. Il faut réorganiser le contrôle des frontières avec efficacité et humanité, en respectant la dignité de la personne humaine et en sortant des caricatures sur l’immigration et ses conséquences.
1. Le 8 septembre 2015 à 13:25, par Lame En réponse à : « Transcender les intérêts nationaux pour dégager l’intérêt commun »
« Transcender les intérêts nationaux pour dégager l’intérêt commun »
Voilà exactement le genre de formule alambiquée qui ne mène à rien. Qu’est-ce que cela veut dire « transcender les intérêts nationaux » ?
Si l’UE était une vraie fédération démocratique, et pas une bureaucratie unitaire en formation, il y aurait simplement des Etats-nations qui défendraient chacun leur intérêt général national et un Etat européen démocratique qui défendrait l’intérêt général européen. Comme aux USA. Comme en Suisse.
La question démocratique est centrale : va-t-on continuer à faire croire aux citoyens que le cadre national est suffisant pour faire face à des défis européens communs ?
Les défis européens communs sont ceux où les différents peuples de l’UE ont des intérêts communs. Avant de chercher le cadre idéal pour les traiter, il faudrait déjà déterminer de quels défis il s’agit. Dans quels domaines les 28 peuples européens (et la fonction publique européenne) poursuivent-ils des objectifs communs ?
Il est grand temps de lancer des débats décloisonnés, transnationaux, pour concevoir ensemble notre avenir commun. Une Europe imaginative et créative qui puisse porter l’intérêt général européen est attendue, sur plusieurs fronts.
Réponse à la question précédente : Dans aucun domaine.
Car si cet intérêt général européen existait déjà, pourquoi aurions-nous besoin de débats transnationaux pour le définir. Là encore, on est confronté à des formules alambiquées : Quels sont les « débats cloisonnés » ? Qui seront les participants des « débats transnationaux » ? Compte tenu du niveau l’abstention aux élections européennes, qui attend l’intervention de « l’Europe » et qui croit qu’elle peut résoudre les problèmes des différents peuples européens ?
La France, si attachée au siège du Parlement européen à Strasbourg, s’honorerait à donner davantage d’importance à cette institution au lieu d’en saper l’influence en créant des enceintes rivales. Et les citoyens aspirent à la simplicité.
Ce à quoi aspirent les Européens, c’est à l’instauration d’une démocratie référendaire européenne afin que l’Europe ne soit plus une lobbycratie où l’on négocie la création d’un grand marché transatlantique dans leur dos et en dépit d’eux. Ce serait plus constructif que de critiquer les Français au moindre problème.
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