Le deuxième jour du débat du Comité de la Chambre des Communes sur le référendum sur le maintien ou non dans l’Union européenne a mis fortement l’accent sur l’élargissement du suffrage, pour inclure ceux âgés de 16 ans le jour du référendum (amendement 51). Il a été fait référence au dernier référendum sur l’indépendance de l’Écosse, lors duquel le droit de vote a été accordé aux citoyens âgés de 16 ans au moins, et qui a débouché sur un taux de participation des jeunes sans précédent. Qu’en est-il dans le reste de l’Europe ? Et quelles en sont les implications pour la démocratie de façon générale ?
En tant que seul pays de l’Union européenne à avoir accordé le droit de vote à partir de 16 ans, l’Autriche montre la voie en encourageant les jeunes à participer à la vie citoyenne. Quels bénéfices en a-t-elle retirés ? De même, étant donné le caractère démocratique des fondements-mêmes de l’Europe, comment l’exclusion des jeunes menace-t-elle nos valeurs fondamentales ?
Participation politique
Nonobstant l’argumentation des opposants à la réforme, selon lesquels les jeunes ne seraient ni assez mûrs ni assez éduqués sur le plan politique pour être capables de voter, depuis la modification de la loi en 2007, les statistiques sur les élections autrichiennes démontrent que les jeunes de 16 et 17 ans votent sensiblement plus que les générations plus âgées. En outre, une expérimentation conduite lors des élections de 2011 en Norvège a montré une tendance analogue.
Le Royaume-Uni a beaucoup à apprendre de ces exemples. Le taux de participation aux élections législatives n’a cessé de chuter (de 83,9% en 1950 à 66,1% cette année), et les élections locales peinent à rassembler plus de 30% des électeurs. Les dernières élections européennes n’ont attiré que 35,6% des électeurs aux urnes. L’apathie des électeurs est une question préoccupante pour la démocratie – comment peut-on avoir des dirigeants responsables devant le peuple si la plupart des citoyens ne les ont pas élus auparavant ?
Peut-être que l’extension du suffrage pourrait y remédier : les électeurs âgés de 16 ans et plus lors du référendum écossais ont participé à la hauteur de 84,5%, prouvant ainsi que les jeunes jouent un rôle-clé pour donner un coup d’élan à la participation démocratique.
Représentation
Refuser le droit de vote aux jeunes de 16 ans remet aussi en question la légitimité de l’autorité qu’ont les dirigeants politiques sur eux. Les appels des colons américains contre l’imposition sans représentation (« no taxation without representation ») sont encore pertinents aujourd’hui pour des adolescents qui n’ont pas le droit de voter. Et plutôt que d’avoir recours à la révolution, les jeunes autrichiens jouissent désormais d’une représentation au plan politique.
Au Royaume-Uni, les jeunes de 16 ans sont soumis aux mêmes gouvernement, lois et impôts que ceux qui possèdent le droit de vote... Pourtant ils n’ont pas leur mot à dire sur la gouvernance des institutions. L’enjeu de la représentation des jeunes sera d’autant plus important au regard du référendum sur l’Union européenne. Ce sont majoritairement les jeunes qui bénéficient de la politique européenne de libre-circulation, et vivent, travaillent ou étudient à l’étranger. Sans un vote pour défendre des projets comme Erasmus+, le référendum risque d’aboutir à une décision qui négligera les intérêts d’une frange importante de la société.
Empêcher la marginalisation des opinions des jeunes est ainsi un argument convaincant pour marcher dans les traces de l’Autriche et abaisser l’âge légal pour être en droit de voter dès 16 ans. C’est en négligeant ces jeunes que le Royaume-Uni – et le reste de l’Europe – risquent de compromettre la valeur substantielle de leurs démocraties.
Un progrès ?
En fin de compte, l’extension du suffrage aux plus de 16 ans apparaît comme la prochaine étape logique dans la longue lignée de réformes électorales au Royaume-Uni. Plutôt que d’être un progrès pour le progrès, un changement de l’âge légal du droit de vote empêcherait la désuétude du système britannique.
Au fur et à mesure que le droit de parole du peuple dans des procédures démocratiques s’affirmait, le Parlement n’a eu cesse de modifier ses lois en conséquence. Le Reform Act de 1832, ainsi, réduisait sensiblement le droit de vote fondé sur la propriété, tout comme il mettait fin aux « bourgs pourris [1] » corrompus. Le droit de vote ne fut accordé aux femmes qu’en 1918. Dès lors, en quoi la proposition de réduire l’âge de voter de deux ans est-elle perçue comme aussi radicale ? Notre conception de la démocratie évolue ; le droit de vote doit évoluer avec elle.
Conclusion
Le fait d’exclure les électeurs âgés de 16 ans du vote par référendum sur l’Union européenne, est un reliquat non-démocratique de visions surannées de qui est apte ou non à agir politiquement.
Comme le montrent les exemples autrichien et norvégien, la diminution de l’âge légal du droit de vote peut se révéler être l’antidote à une participation électorale en Europe qui ne cesse de chuter. L’enthousiasme exhibé par les adolescents peut se dresser en rempart contre l’apathie qui balaye le continent, et peut raviver ces valeurs démocratiques fondatrices de l’Union européenne.
Étendre le droit de vote pourrait également remédier au déficit démocratique qui caractérise les pays européens, où les jeunes citoyens se voient imposés des lois et des impôts sans la possibilité de participer à la gouvernance des systèmes politiques. Ici, à nouveau, la légitimité des revendications démocratiques de ces pays est en cause.
Enfin, en ne parvenant pas à réviser l’âge légal du vote, le Royaume-Uni et les autres États membres font preuve de réticence à l’égard du progrès. Bien que ce ne soit pas un problème en soi, le fait que l’on ait apporté des preuves du succès de l’extension du droit de vote aux plus de 16 ans, et que ces preuves continuent d’être ignorées, montre le peu d’envie des gouvernements de développer leurs démocraties. Dès lors, il est important que l’on tire des leçons des exemples récents en Europe et étendions le droit de vote aux plus de 16 ans. Et ce, non seulement pour le référendum britannique sur l’Union européenne, mais également pour les autres élections. Ceci est primordial si l’Europe souhaite donner corps à ses prétentions d’une institution légitime et démocratique au service de tous ses citoyens.
1. Le 9 juillet 2015 à 00:36, par John En réponse à : Trop jeunes pour la politique ? L’Europe, le référendum britannique et l’âge requis pour voter
En tant que résident, étudiant et travailleur en Angleterre, je suis surtout dégouté que les citoyens UE ne peuvent voter. Ceux-ci avaient pu, comme les jeunes de 16 ans, voter lors du référendum écossais. Je comprends l’enjeu électoral et symbolique. Je le respecte. Mais il n’en reste pas moins très frustrant.
2. Le 9 juillet 2015 à 22:37, par El gaucho francés En réponse à : Trop jeunes pour la politique ? L’Europe, le référendum britannique et l’âge requis pour voter
1) J’ai eu beaucoup de mal à lire l’article car ces photos sont juste trop sexy. 2) Il est normal que les mineurs n’aient pas le droit de vote puisqu’ils ne sont pas mûrs politiquement. Vous dites qu’ils ne sont pas représentés. A cela, j’ajouterais 2 choses : leurs parents agissent pour leurs intérêts (ex : polémique sur les réformes de l’Education Nationales) et en prolongeant ce raisonnement, il faudrait que tout le monde vote dès sa naissance. 3) La maturité politique consiste à voter sérieusement, selon des éléments programmatique, et pas avec le cerveau reptilien. Entendons-nous, j’ai adoré votre campagne « Europe is sexy » mais avouez qu’il n’y avait pas une once d’argument dedans.
3. Le 10 juillet 2015 à 10:34, par Hervé Moritz En réponse à : Trop jeunes pour la politique ? L’Europe, le référendum britannique et l’âge requis pour voter
Je pense, pour le cas de la France, que l’âge légal pour le droit de vote devrait passer à 16 ans. En effet, le modèle du collège unique l’indique. Si le collège est unique, c’est pour qu’en théorie tous les citoyens reçoivent le même enseignement à la citoyenneté. Si cet enseignement commun fondamental pour chaque citoyen se termine au brevet, c’est parce qu’il est censé être complet. Il me semble donc légitime de permettre aux jeunes de voter dès 16 ans.
4. Le 13 juillet 2015 à 22:12, par Lame En réponse à : Trop jeunes pour la politique ? L’Europe, le référendum britannique et l’âge requis pour voter
Donc, l’idée, c’est de donner aux citoyens de 16 ans la majorité pour le droit de vote mais pas pour le reste. Quelle est la logique ?
Nonobstant l’argumentation des opposants à la réforme, selon lesquels les jeunes ne seraient ni assez mûrs ni assez éduqués sur le plan politique pour être capables de voter, depuis la modification de la loi en 2007, les statistiques sur les élections autrichiennes démontrent que les jeunes de 16 et 17 ans votent sensiblement plus que les générations plus âgées. En outre, une expérimentation conduite lors des élections de 2011 en Norvège a montré une tendance analogue.
Étendre le droit de vote pourrait également remédier au déficit démocratique qui caractérise les pays européens, où les jeunes citoyens se voient imposés des lois et des impôts sans la possibilité de participer à la gouvernance des systèmes politiques. Ici, à nouveau, la légitimité des revendications démocratiques de ces pays est en cause.
Il s’agit d’une bête rustine apposée à la particratie pour faire disparaître un taux d’abstention dérangeant pour l’image de marque des nos dirigeants. Plutôt que de se pencher sur les sources du problème, les particrates préfèrent créer des fournées d’électeurs, comme les despotes d’antan nommaient des fournées de sénateurs ou de pairs pour se créer des majorités.
Un pis-aller pour maintenir une aristocratie d’urne qui sert ses intérêts patrimoniaux et ceux des lobbies les plus offrant. Une enième astuce pour tenter d’éviter la démocratie référendaire.
5. Le 30 août 2015 à 19:47, par William Boggis En réponse à : Trop jeunes pour la politique ? L’Europe, le référendum britannique et l’âge requis pour voter
@ John : concernant le caractère démocratique du référendum, considérez également qu’il est fermé à tout ressortissant Britannique vivant dans un autre pays de l’UE que le Royaume-Uni depuis plus de seize ans, et ce même si le référendum le concerne de manière encore plus criante que beaucoup de Britanniques qui voteront sans avoir vraiment pensé à toutes les implications d’un oui au Brexit. Cela s’applique également à ceux d’entre eux qui n’ont que cette citoyenneté-là, ce qui est une honte.
(cette situation délicate ne concerne heureusement pas mon cas, mais malheureusement celui d’une partie de ma famille. God Save The Queen).
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