On ne cesse d’évoquer les « crises » que traverse l’Union européenne : crise économique, crise identitaire, crise politique, crise de confiance. De plus en plus de voix s’élèvent en faveur d’une réelle politique culturelle européenne comme instrument de la construction d’une identité européenne. Or c’est un sujet épineux, car il n’existe pas à proprement parler de politique culturelle européenne. On parle plutôt de l’action européenne en matière de culture, laquelle s’appuie sur l’article 167 du TFUE.
Les capitales européennes de la culture, une piste pour la politique culturelle de l’Union européenne ?
L’Union européenne ne dispose donc que de compétences d’appui en matière de culture. Elle a cependant mis en place un certain nombre d’initiatives pour répondre aux objectifs cités dans l’article 167 TFUE, parmi lesquelles les capitales européennes de la culture. Il s’agit de l’un des évènements européens les plus prestigieux et des plus visibles parmi les actions culturelles de l’Union européenne. L’initiative date de 1985, c’est-à-dire avant la mise en place d’une politique culturelle dans les traités, et a beaucoup évolué depuis ses débuts.
TITRE XIII CULTURE Article 167 (ex-article 151 TCE)
1. L’Union contribue à l’épanouissement des cultures des États membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l’héritage culturel des recommandations.
2. L’action de l’Union vise à encourager la coopération entre États membres et, si nécessaire, à appuyer et compléter leur action dans les domaines suivants :
— l’amélioration de la connaissance et de la diffusion de la culture et de l’histoire des peuples européens,
— la conservation et la sauvegarde du patrimoine culturel d’importance européenne,
— les échanges culturels non commerciaux,
— la création artistique et littéraire, y compris dans le secteur de l’audiovisuel.
3. L’Union et les États membres favorisent la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes dans le domaine de la culture, et en particulier avec le Conseil de l’Europe.
4. L’Union tient compte des aspects culturels dans son action au titre d’autres dispositions des traités, afin notamment de respecter et de promouvoir la diversité de ses cultures.
5. Pour contribuer à la réalisation des objectifs visés au présent article :
— le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité des régions, adoptent des actions d’encouragement, à l’exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres ;
— le Conseil adopte, sur proposition de la Commission, des recommandations.
Le concept des capitales européennes de la culture a vu le jour grâce à Melina Mercouri, une cinéaste qui était alors ministre de la culture en Grèce. L’évènement fut créé par une résolution du Conseil des ministres de la culture, le 13 juin 1985. Le concept a évolué depuis ses débuts. De 1985 à 1999, il y avait une capitale par an.
L’année 2000 a été exceptionnelle : neuf capitales ont été élues pour célébrer le nouveau millénaire. A la suite de quoi on a tenté d’associer deux capitales : une ville du « Sud » est associée à une autre du « Nord ». Enfin, depuis 2006 et la décision 1622/2006/CE, une rotation a été mise en place pour assurer un minimum d’égalité entre les Etats membres jusqu’en 2019. Cette décision introduit de nouveaux organes chargés de désigner les capitales et des critères plus concrets.
Les objectifs des capitales européennes de la culture
DÉCISION No 1622/2006/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 24 octobre 2006 instituant une action communautaire en faveur de la manifestation « Capitale européenne de la culture » pour les années 2007 à 2019.
Article premier
Il est institué une action communautaire intitulée « Capitale européenne de la culture », qui vise à mettre en valeur la richesse, la diversité et les traits caractéristiques communs des cultures européennes et à contribuer à améliorer la compréhension mutuelle entre citoyens européens.
Article 4 : Critères relatifs au programme culturel
Le programme culturel répond aux critères ci-après, répartis en deux catégories intitulées « la dimension européenne » et « la ville et les citoyens » :
1) en ce qui concerne « la dimension européenne », le programme : a) renforce la coopération entre les opérateurs culturels, les artistes et les villes des Etats membres concernés et d’autres Etats membres, dans tout secteur culturel ; b) fait ressortir la richesse de la diversité culturelle en Europe ; c) met en évidence les aspects communs des cultures européennes
2) en ce qui concerne « la ville et les citoyens », le programme : a) encourage la participation des citoyens habitant dans la ville et ses environs et suscite leur intérêt ainsi que celui des citoyens vivant à l’étranger ; b) a un caractère durable et fait partie intégrante du développement culturel et social à long terme de la ville.
Depuis ses débuts, on distingue essentiellement trois types de villes :
– des capitales (Athènes, Paris, Dublin, Madrid, etc.)
– des villes historiques (Florence, Avignon, Salamanque, etc.)
– des villes industrielles en reconversion (Lille, Liverpool, etc.)
Ce n’est pas la ville en elle-même qui est importante mais son projet et son programme culturel pour l’année en question.
Si ce n’était pas le cas, pourquoi choisir Liverpool, qui, mis à part l’héritage des Beatles, ne présente pas beaucoup d’intérêt ? Ou bien Salamanque qui est déjà inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1989 ?
La réponse est simple : parce que le titre de capitale européenne de la culture diffère complètement de celui de patrimoine de l’UNESCO. Les capitales européennes de la culture célèbrent un programme culturel d’exception et non la ville en elle-même. Cette initiative a beaucoup de potentiel ,car elle semble parfaitement remplir les critères énoncés dans l’article 167 TFUE à savoir, selon la Commission, valoriser la diversité de richesse culturelle en Europe et les liens qui nous unissent comme Européens.
En 2014, Umea porte le titre
Cette année, c’était au tour de Riga (Lettonie) et d’Umea (Suède) de porter le titre. Un voyage en Suède s’imposait.
Lorsque l’on prépare sa visite à Umea, il faut se rendre sur le site attrayant et très prometteur d’Umea 2014 qui annonce maintes expositions et évènements chaque semaine.
Or, l’offre est en réalité très limitée. Les expositions, concentrées dans les deux musées de la ville, le Västerbottens museum et le Musée des arts visuels (Bildmuseet), sont très courtes. A titre d’exemple, l’exposition « Sámiid árbi – Sámi heritage » consiste en l’exposition de cinq objets Sames que des étudiants ont tenté de reproduire de manière fidèle. Un peu léger.
Par ailleurs, ces expositions ne sont, tout du moins pas explicitement, rattachées à un projet commun. On devine la volonté d’insister sur l’héritage des Sames, ce peuple de chasseurs et pêcheurs, éleveurs de rennes qui fait partie de l’histoire de la région, mais le visiteur n’a pas de vue d’ensemble sur le projet de la ville.
Les artistes mis à l’honneur sont des artistes locaux, principalement originaires d’Umea et de sa région, qu’ils aient fait le choix de la quitter ou au contraire d’y rester. Les autres artistes sont suédois. Il existe, bien heureusement, quelques exceptions à cette règle (artistes étrangers, collaborations, spectacles et conférences tout au long de l’année), mais on a du mal à trouver une dimension européenne dans ces diverses expositions et activités proposées.
Déambuler dans Umea est plutôt sympathique. On y croise davantage d’âmes que dans le reste du nord du pays, mais l’offre culturelle est assez limitée et l’office du tourisme ne fait même pas mention du titre de capitale de la ville. Riga, codétentrice du titre, n’est à aucun moment évoquée et l’on ne voit flotter aucun drapeau européen. A l’image de beaucoup de capitales européennes de la culture avant elle, Umea ne remplit en réalité que le critère « ville et citoyens » en mettant à l’honneur ses artistes et en associant des scolaires à certains projets. Le musée Bildmuseet , construit pour l’occasion, « fait partie intégrante du développement culturel et social à long terme de la ville ». Une jolie réussite.
Malheureusement, en dehors de la valorisation de son patrimoine, essentiellement local, Umea 2014 n’atteint pas tous ses objectifs, car point de « dimension européenne » ou alors de manière sporadique, à l’occasion de certains événements ponctuels. Une opération décevante.
1. Le 1er janvier 2015 à 22:10, par conan En réponse à : Umea, une capitale européenne de la culture 2014 décevante
Bonsoir madame, A la lecture de votre très intéressant article, on en conclut que la ville d’UMEA n’a pas respecté ses engagements. de ville européenne. Votre conclusion laisse entendre que la ville a surtout trouver un moyen de faire financer le musée Bildmuseet sur le compte des budgets européens dédiés à la culture.
Ne faudrait-il pas menacer la ville d’UMEA de rembourser les aides financières accordées ?
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