Un an après le début de la présidence Metsola : aubaine ou embarras ?

, par Mathilde Vayne

Un an après le début de la présidence Metsola : aubaine ou embarras ?
crédit : Parlement européen

L’année 2022 n’a pas épargné l’Union européenne. Illustrant tantôt sa solidité, attaquant tantôt sa légitimité, plusieurs crises ont fait trembler l’ancestrale organisation. Fraîchement élue Présidente de l’hémicycle strasbourgeois, Roberta Metsola ne pouvait prévoir de tels remous politiques. Retour sur le début houleux de son mandat.

Les eurodéputés en quête de la Présidence idéale

A la tête du Parlement européen depuis son élection le 18 janvier 2022, Roberta Metsola est la troisième femme à occuper cette prestigieuse fonction, après Simone Veil et Nicole Fontaine. gée de 44 ans, elle est aussi la plus jeune Présidente de l’hémicycle. Que demander de plus ? A l’heure où le Parlement européen affiche fièrement une féminisation en hausse (39 % d’eurodéputées aujourd’hui, contre 16 % en 1979), Roberta Metsola tombe à pic.

Membre du Parti populaire européen (PPE), elle se place plutôt à droite de l’échiquier politique. Cela ne l’empêche pas de défendre des opinions progressistes sur l’immigration ou la communauté LGBTQIA+. Elle appartient d’ailleurs à l’aile la moins conservatrice du Parti nationaliste (PN) maltais dont elle est membre.

Roberta Metsola, une figure controversée

Mais c’est pour d’autres raisons que la jeune femme fait rapidement la une des journaux. « Roberta Metsola, une présidente antiavortement au Parlement européen » titrait Le Monde. « Qui est Roberta Metsola, cette nouvelle présidente embarrassante pour l’Europe ? » écrivait Ouest-France. Fermement opposée à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), la nouvelle leadeuse crée la controverse.

Une position qui n’est pourtant pas surprenante quand on sait que Malte est le seul État membre de l’UE à interdire l’IVG… en toute circonstance ! L’île méditerranéenne ne lésine pas sur la question, et Roberta Metsola en est le parfait exemple. Si le Parlement européen souhaitait qu’elle incarne une figure consensuelle et progressiste, c’est raté !

La planche à billet européenne au service de l’Ukraine

Quelques semaines après son élection, la guerre en Ukraine éclate. Le 24 février 2022, la Russie envahit le « grenier à blé » de l’Europe et bouleverse l’agenda politique européen. La réaction des eurodéputés ne se fait pas attendre. Quelques jours plus tard, une résolution dénonçant les agissements de Moscou et appelant à la mise en place de sévères sanctions à son égard est adoptée. « Au nom du Parlement européen, je condamne dans les termes les plus fermes possibles l’agression militaire russe contre l’Ukraine » déclare Roberta Metsola.

Dans la foulée, les élus européens se prononcent en faveur d’une proposition de la Commission relative à une action de cohésion pour les réfugiés en Europe (CARE). Désormais, les aides régionales et en matière d’asile peuvent être réorientées vers les États membres accueillant les citoyens fuyant l’Ukraine. Le 7 avril, quelque trois milliards d’euros, issus du Programme REACT-EU de 2022, sont également débloqués pour soutenir directement les pays concernés.

Soutenant ces décisions audacieuses, la présidente de l’hémicycle défend devant les chefs d’États « une hausse de nos budgets nationaux et une utilisation intelligente de notre budget européen commun ». Selon elle, « Nous devons aller au-delà du Fonds européen de la défense et faire en sorte que le budget de l’Union contribue à notre politique de sécurité et de défense ». Le Parlement européen, encouragé par les propos de sa Présidente, poursuit donc sur cette voie.

En décembre, les élus adoptent un paquet législatif permettant à l’UE de consentir un prêt à l’Ukraine de 18 milliards d’euros pour l’année 2023. Il fait suite à la décision des États membres, le 23 juin, d’accorder à l’Ukraine le statut de pays candidat à l’adhésion. Pour Roberta Metsola, l’UE donne à l’Ukraine « l’espoir de concrétiser son avenir européen ». Octroyé à des conditions préférentielles, ce prêt concerne les services publics et la reconstruction des infrastructures en proie aux bombardements de Moscou.

Le Parlement européen sur les traces de Thémis

Au-delà de simplement soutenir l’Ukraine, les élus strasbourgeois ne se privent pas de lourdement sanctionner le « Pays des Soviets ». Ainsi, dès le mois d’avril, ils appellent les États de l’UE à mettre en place des mesures punitives supplémentaires. « Nos sanctions doivent continuer à faire mal » s’exclame Roberta Metsola. Il s’agirait notamment d’instaurer un « embargo total sur les importations de pétrole, de charbon, de combustible nucléaire et de gaz en provenance de Russie ». Plus facile à dire qu’à faire… Rappelons qu’au 1er semestre 2021, 48,4 % du gaz importé par l’UE est russe.

Sans surprise, une telle mesure n’a jamais été mise en place. Toutefois, l’Europe a fortement réduit ses importations de gaz russe par gazoduc (diminution de 74 % entre le 3e trimestre 2021 et 2022). En contrepartie, elle s’est tournée vers d’autres sources d’approvisionnement, notamment le gaz naturel liquéfié (GNL). Seul hic : la Russie fait partie des principaux fournisseurs de GNL de l’UE, derrière les États-Unis et le Qatar…

Mais l’énergie n’est pas le seul levier à disposition de l’UE ! Censure des médias RT et Sputnik, exclusion des banques russes telle que VEB du système financier international SWIFT… Les sanctions sont nombreuses et le Parlement européen s’empare facilement du glaive et de la balance chers à la déesse grecque de la justice.

Ainsi, en janvier dernier, les eurodéputés adoptent une nouvelle résolution dans laquelle ils demandent que les dirigeants russes soient jugés pour crime d’agression contre l’Ukraine devant un tribunal international. Une position soutenue par leur Présidente qui affirme : « L’Ukraine, c’est l’Europe, et l’Europe, c’est l’Ukraine ».

« Qatargate » : Mode d’emploi pour finir l’année en beauté…

Alors que la guerre en Ukraine renforce le soutien de l’opinion publique à l’UE selon l’Eurobaromètre publié en juin 2022 (65 % des Européens considéraient que l’appartenance à l’UE était une bonne chose), il est fort probable que le scandale de corruption frappant le Parlement européen depuis mi-décembre ait ébranlé toutes les statistiques. Si Roberta Metsola ne pensait plus être surprise par la conjoncture politique, c’était sans compter sur la sinistre affaire du « Qatargate ».

Selon les révélations de la police belge, les gouvernements qatari et marocains auraient versé d’importantes sommes d’argent pour que certains législateurs européens fassent du lobbying en leur faveur. L’enquête continue d’éclabousser l’hémicycle alors que plusieurs députés ont déjà été écroués.

Tous issus de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates (S&D), c’est le cas de Eva Kaili, l’une des 14 vice-présidents du Parlement européen. Ces derniers assistent Roberta Metsola dans ses différentes tâches et peuvent se voir déléguer certaines fonctions, telle que la présidence des sessions plénières. Ainsi, après avoir été interpellée, Eva Kaili s’est vue retirer les tâches qui lui avaient été confiées, comme celle de représenter Roberta Metsola dans la région Moyen-Orient. Elle a aussi perdu son titre et ses pouvoirs de vice-présidente.

D’autres noms riment également avec cette affaire, tels que ceux de Marc Tarabella et Pier-Paolo Panzeri. Après avoir signé un « accord de repenti », ce dernier a choisi de collaborer avec la justice belge en échange d’une limitation de peine.

Après la « culture de l’impunité », place à la culture de l’intransigeance !

A Bruxelles, ce scandale ne surprend pas. Simplement soumis à un dispositif d’autorégulation, le Parlement européen est rongé par la « culture de l’impunité » qui règne entre ses murs, dénonce l’ONG Transparency International.

Alors que Roberta Metsola a évoqué un « paquet de réformes d’ampleur qui sera prêt au début de l’année prochaine », l’hémicycle s’est prononcé en faveur de la création d’un « organisme indépendant » afin de renforcer l’intégrité des institutions européennes. Inutile de crier victoire trop vite. Jusqu’à présent, toutes les tentatives de réglementation destinées à rendre le Parlement européen plus transparent se sont heurtées à une farouche résistance de la part de ses membres.

Au-delà d’une simple refonte du règlement du Parlement, les eurodéputés doivent se responsabiliser. Les scandales de corruption dans lesquels trempent certains élus n’entachent pas seulement leur petite réputation personnelle mais celle de toute une institution. Les raccourcis sont très vite faits, et l’UE est décrédibilisée en une fraction de seconde. « Regagner la confiance qui s’est construite en 20 ans et a été détruite en quelques jours », voilà la nouvelle mission que Roberta Metsola s’est attribuée pour 2023.

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