Un fonds monétaire européen pour assurer la pérennité de la zone euro

, par Vincent Doillet

Un fonds monétaire européen pour assurer la pérennité de la zone euro

Le 4 décembre 2018, les ministres des finances de la zone euro se sont accordés sur la création du Fonds monétaire européen (FME) pour succéder au Mécanisme européen de stabilité (MES). Leur décision a été entérinée par le sommet européen des 13 et 14 décembre. Cette décision fait suite à la déclaration de Meseberg, co-signée le 19 juin 2018 par Angela Merkel et Emmanuel Macron.

Le Mécanisme européen de stabilité : un organisme né de la crise des dettes souveraines

Le Mécanisme européen de stabilité, créé le 27 septembre 2012 dans le contexte de la crise des dettes souveraines, a pour mission de fournir une assistance financière aux Etats rencontrant des difficultés contre certaines conditions. Il est doté d’une capacité de 500 milliards d’euros. Tout comme son prédécesseur, le Fond Européen de Stabilité Financière (FESF), il permet de prêter à l’Etat ou d’acheter de la dette de cet Etat sur le marché obligataire afin d’aider à la recapitalisation des banques, par exemple. Ce mécanisme peut agir en partenariat avec le Fonds Monétaire International (FMI) pour définir les plans d’aide, qui peuvent parfois contenir des mesures d’austérité en contrepartie au versement de l’aide. Quant à la gouvernance du MES, elle est assurée par les ministres des finances de la zone euro qui sont les seuls à pouvoir accorder et définir des plans d’aide, le Parlement européen est tenu à l’écart et seuls les parlements nationaux peuvent émettre un avis. Une évolution de l’actuel MES pour le rendre plus performant en termes de capacité financière et de processus de décision est indispensable pour assurer la pérennité de la zone euro. Cette évolution devrait prendre la forme d’un Fonds monétaire européen.

Pour une succession durable et gouvernable au Mécanisme européen de stabilité

Dans son document intitulé « Contribution au programme des dirigeants européens pour le futur de l’UE », la Commission européenne a proposé de faire évoluer l’actuel Mécanisme européen de stabilité vers un véritable Fonds monétaire européen sur la base de l’article 352 du Traité sur le fonctionnement de l’UE. Cet article, autrement appelé « clause de flexibilité », prévoit une disposition qui permet à l’UE « d’adopter les textes nécessaires afin d’atteindre les objectifs assignés par les traités lorsque ceux-ci n’ont pas prévu les pouvoirs d’action nécessaires pour atteindre ces objectifs ». Autrement dit, l’UE peut, lorsque cela est nécessaire pour accomplir les objectifs inscrits dans les traités, prendre les mesures nécessaires à la réalisation de ces objectifs quand bien même les moyens employés ne sont pas initialement prévus par les traités.

Le futur FME devra s’articuler autour de trois missions principales. Tout d’abord, il sera mobilisé pour soutenir la stabilité financière des Etats comme le faisait le MES depuis 2012. Le FME sera son remplaçant. Il aura pour mission de renforcer la confiance des marchés financiers en jouant le rôle de soutien au Fonds de résolution unique si les ressources de celui-ci s’avéraient insuffisantes. Ce dernier a été créé en 2015 doit atteindre une capacité financière de 55 milliards d’euros en 2023, alimenté par les banques commerciales. Il a pour mission de garantir les actifs ou les passifs d’une banque confrontée à des difficultés, prêter à cette banque, lui acheter des actifs ou indemniser ses actionnaires ou ses créanciers en cas de faillite. Ce fonds a par exemple permis de sauver de la banqueroute de la banque espagnole Banco Popular en juin 2017 sans que le moindre centime d’argent public ne soit dépensé. Enfin, le FME aura à terme pour mission d’élaborer d’autres instruments de stabilisation financière pour compléter ceux de l’UE déjà existants. Angela Merkel s’est dite favorable à ce que le FME puisse accorder une aide financière à long terme et soit chargé d’évaluer la solvabilité des Etats membres comme le MES, mais aussi pour celle des crédits à plus brève échéance.

Une gouvernance simplifiée

Par rapport à l’actuel MES, le FME aurait pour avantage de bénéficier d’un processus décisionnaire accéléré. Au sein de l’actuel MES, la procédure de décision est assez lourde. Elle prévoit en effet que la demande d’assistance d’un État soit formulée auprès du président de l’Eurogroupe. La Banque centrale européenne (BCE) et la Commission européenne évaluent le risque financier pour la zone euro, avec l’aide du FMI. La Commission, la BCE et le FMI négocient un « mémorandum » détaillant les conditions macroéconomiques et financières du prêt. Le MES fait une proposition sur le montant et les conditions de l’aide financière à l’Eurogroupe. La Commission, la BCE et le FMI surveillent l’application du programme.

Le FME disposerait d’une procédure de vote spécifique aux situations d’urgence. D’après la proposition de la Commission, les décisions ne seraient plus prises à l’unanimité mais à la majorité qualifiée renforcée de 85% des membres du conseil des gouverneurs des banques centrales des Etats membres pour les situations d’urgence. De plus, créé dans le cadre de l’Union, ce fonds sera responsable devant le Parlement européen et non plus seulement devant les parlements nationaux.

La création d’un FME va dans le sens d’une plus grande solidarité entre pays membres de la zone euro. La proposition de la Commission européenne prévoit un contrôle aussi bien par le Parlement européen que par les parlements nationaux pour respecter le principe de subsidiarité. Le Conseil européen qui s’est achevé le 14 décembre dernier marque une avancée timide mais positive vers un budget européen. Ce budget n’est certes qu’une ligne budgétaire au sein du budget général de l’Union et ne s’élève qu’à 100 milliards d’euros sur sept ans en raison des réticences des Pays-Bas notamment, mais il présente au moins l’intérêt d’être un pas supplémentaire vers une zone euro plus solidaire.

Le FME : outil de souveraineté européenne

La création d’un fonds monétaire régionalisé n’est pas quelque chose de nouveau, même s’il reste souvent moins connu que le célèbre Fonds Monétaire International. De plus, un tel fonds permettrait aux Européens de ne plus dépendre des volontés américaines au sein du FMI. Les Etats-Unis disposent en effet de 15% des quotes-parts au sein de l’institution financière et ainsi d’une minorité de blocage. A l’heure où l’administration de Donald Trump prône « America first » et ne se prive pas de mener des politiques contraires aux recommandations de l’institution, il serait bon pour les Européens de s’affranchir de la domination américaine dans les institutions financières mondiales. Cela serait en outre un moyen de doter la zone Euro d’une véritable « force de frappe » financière et de faire de l’Euro la monnaie de référence pour les échanges internationaux face au dollar ou au yuan. Dans son dernier discours sur l’état de l’Union, Jean-Claude Juncker a d’ailleurs rappelé que l’euro était la monnaie utilisée par soixante pays dans le monde et qu’il devait jouer son rôle sur la scène internationale.

Pour autant, le montant exact de ce futur fonds reste encore inconnu, faute d’accord entre les Etats membres, à l’heure où nous publions cet article.

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