C’est dans le cadre de la journée de l’Europe que le Chancelier allemand Olaf Scholz a été invité par le Parlement européen à se prononcer sur ses opinions et ses propositions de solutions à apporter pour faire face aux enjeux auxquels l’Europe est confrontée. Lors d’une série de débats en plénière, Olaf Scholz a prôné une union tournée vers l’avenir, davantage « géopolitique, élargie et réformée ». Olaf Scholz a insisté sur la nécessité de réviser les traités et de renforcer les compétences de l’Union européenne en matière de politique étrangère, préalable à toute forme d’élargissement de l’UE. « Nous avons choisi une Europe élargie et l’UE élargie doit être une Europe réformée] » a-t-il déclaré.
Une stratégie tournée vers des compétences renforcées de l’Union Européenne en matière de politique étrangère et de fiscalité
La politique étrangère et de sécurité commune (PESC) fait partie des compétences particulières de l’Union européenne. Elle est régie par des règles différentes en raison de la nature intergouvernementale de la coopération dans le domaine de la politique étrangère, qui implique une collaboration étroite entre les États membres. La PESC englobe l’ensemble de la politique étrangère et les questions de sécurité de l’Union européenne. Les États membres adoptent des approches différentes dans leurs relations internationales, tandis que la Commission européenne et le Parlement européen jouent un rôle limité dans ces domaines. Actuellement, le domaine des affaires étrangères est soumis au vote à l’unanimité, conférant ainsi un droit de veto à chaque État membre. De même, la politique fiscale faisant partie des coopérations renforcées, l’Union européenne n’a pas une grande marge de manœuvre. En effet, lorsque la Commission fait des propositions législatives sur ce domaine, le Conseil, après consultation du Parlement européen, doit se prononcer à l’unanimité.
Sceptique quant à ce fonctionnement, Olaf Scholz a prôné une réforme de ce processus décisionnel par l’extension du vote à la majorité qualifiée au Conseil de l’UE. Autrement dit, la décision est adoptée avec un seuil de 55% des États membres qui doivent représenter 65% de la population totale de l’UE. L’objectif étant d’accélérer et de fluidifier le processus de décision de l’UE dans les affaires étrangères et fiscales. Il est primordial que l’Union européenne reste capable d’agir dans le compromis, notamment dans un contexte politique tendu qui nécessite des réponses rapides.
Une vision allemande de la réforme des traités de l’Union européenne jugée pas assez concrète par une majorité de l’hémicycle
Le discours de Olaf Scholz a suscité de fortes allégations de la part d’une majorité du spectre politique. Tenant du vote à l’unanimité, Ryszard Legutko, eurodéputé polonais et coprésident du groupe des Conservateurs et réformistes européens (CRE) a fait part de son inquiétude quant à la « tyrannie de la majorité » et a appelé à un retrait de l’Allemagne de la politique européenne.
De son côté, le chef du Parti populaire européen (PPE) Manfred Weber a fait part de sa reconnaissance envers l’engagement de l’Allemagne au niveau européen mais a appelé à davantage de mesures concrètes afin de rendre l’Europe apte à agir face aux prochains défis. « Nous n’avons plus besoin de discours mais de courage » a-t-il déclaré en réclamant une convention constitutionnelle pour rendre possible la réforme. Nous devons « Oser la démocratie » a-t-il ajouté.
L’eurodéputée allemande et présidente du groupe les Verts a montré un manque d’ambition du gouvernement allemand. Elle a également fait appel à la mise en place d’une convention qui permettrait au parlement européen de renforcer son pouvoir en obtenant le droit d’initiative législative.
Tout en étant conscient des obstacles restants, le Chancelier allemand Olaf Scholz a tout de même réaffirmé son ambition de continuer à « persuader » les opposants à la réforme.
Quelles seraient les conséquences de cette réforme ?
S’il est effectué et adopté, ce changement entrainera un élargissement des compétences des institutions européennes, venant ainsi renforcer leur pouvoir et leur poid, notamment vis-à-vis des États membres. Ce type de changement est lourd de conséquences. Les compétences données à l’Union européenne sont mentionnées à l’article 2 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Les traités européens sont régis par une procédure de révision mentionnée à l’article 48 du traité sur l’Union européenne. Il concerne les modifications les plus importantes apportées aux traités, telle que l’accroissement ou la réduction des compétences de l’UE. La procédure permet à tout gouvernement d’un État membre de l’Union européenne, au Parlement Européen ou à la Commission de soumettre au Conseil des propositions afin de réviser les traités. Le Conseil doit ensuite soumettre ces projets au Conseil européen qui décidera de l’examiner ou non. Le Conseil européen décide à la majorité simple, après approbation du Parlement européen et de la Commission. Une décision positive du Conseil européen aurait pour conséquence la mise en place d’une convention composée des représentants des parlements nationaux, des chefs d’États ou des gouvernements nationaux des pays de l’UE, du Parlement européen et de la Commission. Une conférence des représentants des gouvernements des pays de l’UE est ensuite convoquée par le président du Conseil afin que les modifications apportées aux traités soient examinées. Pour valider les modifications apportées aux traités, il faut qu’elles soient ratifiées par l’ensemble des Etats membres.
Une telle procédure est certes lourde, mais elle est jugée nécessaire par Olaf Scholz au regard des défis auxquels fait face l’Union. Cette journée de l’Europe est encore une fois une piqûre de rappel sur les doléances faites par les citoyens, ainsi que par certains chefs d’État et députés européens, d’affirmer la puissance de l’Union européenne par un élargissement de ses compétences qui passerait par une laborieuse réforme des traités. Toutefois, dans les faits, il semblerait que le discours de Olaf Scholz n’ait pas suscité les réactions escomptées concernant la réforme de l’UE et ait seulement contribué à confirmer des positions déjà connues.
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