Croire en l’Europe signifie penser que seule l’Europe peut redonner aux citoyens une maîtrise sur les décisions qui modifient leur quotidien et leur avenir. Croire en l’Europe c’est penser que sans union, nous ne pouvons plus faire grand-chose, croire en l’Europe c’est penser que nos Etats sont inefficaces et ne suffisent plus à assurer le bien être des européens.
Il existe un paradoxe apparent entre croire en l’Europe et refuser cette Constitution. Ce paradoxe repose sur l’idée selon laquelle la direction prise par la construction est une mauvaise direction et que l’Union que nous jugeons nécessaire doit se constituer sur des bases différentes. Ce constat nous le partageons. Jusqu’à hier, l’Europe s’était construite en ignorant largement les volontés populaires, en ignorant la société civile, les bâtisseurs d’Europe étaient des gens qui se sentaient obligé de se réunir secrètement en conclave pour trouver des solutions à imposer aux citoyens européens. Le parlement comptait peu, les révisions des traités se faisaient dans des réunions aux portes closes, par des négociateurs sourds aux revendications populaires. C’est cette Europe qui a commencé à mourir à Nice.
Les chefs d’Etats et de gouvernement, pressés par la société civile européenne ont admis que ce système ne fonctionnait plus et pour essayer d’y remédier la Convention européenne a été instituée. Pour la première fois une assemblée d’élus européens, écoutant la société civile, dialoguant avec les partenaires sociaux, a pu discuter démocratiquement, et de façon transparente sur l’avenir de l’Union. Des centaines d’associations ont participé à ces travaux. Cette Convention, trop ambitieuse pour nos chers gouvernants nationaux/nationalistes, a vu ses conclusions approuvées dans leur grande majorité par ces mêmes chefs d’Etats qui ont pourtant tout fait pour saboter le projet. Parce que cette Europe qui a commencé à se construire durant la Convention européenne est bien différente de celle dont ils ont eu la maîtrise pendant 50 ans, et cette Europe leur fait peur.
Le plus grand cadeaux que l’on puisse faire alors à tous ceux qui veulent laisser l’Europe telle quelle, antidémocratique, inefficace, incapable de faire naître une nouvelle solidarité pour le continent européen, c’est dire non à ce projet. Certes, la Constitution et donc l’Europe de demain est encore imparfaite, car la lutte est encore engagée. Mais il ne faut pas croire que la lutte est entre les tenants de cette Constitution et la société civile. Non, la lutte doit se dérouler au sein même d’une Europe en devenir. Il me semble qu’une question fondamentale mérite d’être abordées sous cette angle : le problème de la révision de la Constitution c’est-à-dire la question constituante en Europe.
La tension entre la Convention et la Conférence intergouvernementale est le centre de l’affrontement : D’une part une Convention de plus de 100 membres représentants les parlements nationaux et le parlement européen ainsi que les Etats membres, discutant de façon transparente, à l’écoute de la société civile, soucieuse de sa propre légitimité démocratique, fondement réel de son pouvoir ; de l’autre la CIG, conclave de chefs d’Etats, réunis en secret, discutant seuls et à l’abri des regards. La Constitution ne résout pas de manière définitive cette tension puisqu’elle prévoit que pour réviser la Constitution il faut certes réunir une Convention mais que celle-ci sera suivie d’une CIG statuant à l’unanimité. Se dessine alors un terrain pour l’affrontement entre progressistes et réactionnaires. Dire non à la Constitution c’est renoncer à cette possibilité de lutte, c’est se condamner à attendre que les Chefs d’Etats décident encore de notre avenir, c’est ne pas croire qu’il est possible de créer des mouvements populaires et démocratiques en Europe. Se réfugier de façon nihiliste dans une idéologie constitutionnelle qui voudrait délégitimer la Convention au profit d’une Constituante élue ad hoc, c’est abandonner notre avenir, et notamment la question constituante à ces gouvernants qui ont tant de fois fait de mauvais choix pour l’Europe. Dire oui, c’est accepter le combat, et dire oui massivement c’est se mettre en position de force pour continuer ce combat.
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