Onze ministres se sont également déplacés. Parmi eux, le ministre des Transports était présent. Il a rencontré son homologue espagnol Raquel Sánchez dans l’objectif d’améliorer les connexions transfrontalières. Ces infrastructures sont en effet essentielles afin de faire du marché unique entre les deux pays une réalité. Les ministres de l’intérieur étaient également présents. L’espagnol Fernando Grande Marlaska et le français Gérald Darmain ont souligné l’importance de la coopération pour lutter contre le terrorisme et le crime organisé.
Cette rencontre a eu lieu après l’enterrement du projet Midcat auquel s’opposait Paris pour des raisons économiques et environnementales et qui a été substitué par la mise en place du projet BarMar. Il s’agit d’un pipeline d’hydrogène entre l’Espagne et la France qui sera opérationnel en 2030. Il a été largement motivé par le manque d’autonomie énergétique qu’a démontré la guerre en Ukraine.
Les deux leaders se sont réunis afin de créer un accord d’amitié et de coopération historique. Par ailleurs, c’est la ville de Barcelone a été choisie par Sánchez qui la considère comme “l’avant-garde, libre et pont entre les deux pays”. Il faut dire que ce choix répond aussi à sa politique de distension du conflit catalan. Les deux dirigeants ont néanmoins trouvé des manifestants indépendantistes à l’avenue Maria Cristina qui scandaient des slogans comme “ni France ni Espagne”, juste en face du lieu de rencontre, le MNAC. (Musée National d’Art de Catalogne).
L’Espagne est depuis de nombreuses années en conflit avec les indépendantistes catalans. L’Union européenne a refusé d’intervenir dans le conflit mais a toujours reconnu l’Espagne comme son principal interlocuteur. Toutefois, grâce au dialogue politique entre Madrid et Barcelone les relations entre le gouvernement catalan et les institutions européennes pourraient se relancer. En octobre de 2022, la visite du président de la Generalitat de Catalunya (l’institution de gouvernement de la communauté autonome de Catalogne) auprès de deux commissaires européens, après des années d’absence de la Generalitat auprès de l’UE, démontre bien cette volonté. C’est pour cela que ce sommet franco-espagnol rapproche aussi la Catalogne de l’Union européenne.
Approfondissement du couple franco-espagnol
Les liens entre les deux pays sont historiques et l’accord y fait référence en mentionnant l’exil républicain : “Rappelant la densité et la profondeur des liens humains qui les unissent, et qui résonnent dans la mémoire personnelle des descendants d’Espagnols, dont les réfugiés et combattants de la liberté lors de l’exil républicain, qui ont fait de la France leur foyer”.
Aujourd’hui, près de 230 000 Espagnols vivent en France et plus de 110 000 Français vivent en Espagne. Aussi les deux pays méditerranéens ont des liens culturels tels que le programme d’un double bac appelé BachiBac. Le traité de Barcelone veut approfondir ces liens dans un cadre européen. Autrement dit, des liens fondés sur l’Etat de droit, la démocratie, la souveraineté et la solidarité. Ce texte renforce également la relation entre les deux pays avec de nouveaux outils pour faire face aux défis actuels dans la scène européenne et globale.
Traité historique
Le traité d’amitié et de coopération avec l’Espagne, aussi appelé traité de Barcelone, a une importance très symbolique. Il entretient des rapports similaires à celui de l’Elysée en 1963, ou encore celui d’amitié avec l’Italie – dit traité du Quirinal – en 2021. Ce traité de Barcelone situe l’Espagne et la France comme des leaders du projet européen. L’Espagne disposait déjà d’un traité de ce type avec le Portugal.
Ce traité franco-hispanique vient également après la fin d’une bonne entente avec l’Italie rompue par l’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni, mais aussi après les contentieux au sujet de l’énergie et de la défense entre la France et l’Allemagne. L’Espagne devient donc un allié précieux. Il est aussi une manière de relancer les relations diplomatiques de l’Espagne qui s’était concentrée ces dernières années sur la crise politique intérieure des indépendantistes catalans. En outre, cette rencontre s’inscrit dans l’objectif du président espagnol de renforcer le rôle de l’Espagne dans l’Union européenne et de préparer la présidence européenne espagnole qui commencera le 1er juillet 2023.
Contenu du traité
Ce traité est composé de 36 articles recouvrant de très nombreux domaines comme l’éducation et l’enseignement supérieur, la culture, la santé et les affaires sociales, l’économie et l’industrie … Il donne une grande importance à la transition énergétique et à la lutte contre le changement climatique, en particulier lorsqu’il réaffirme le compromis du projet H2Med, un pipeline d’hydrogène vert qui connectera les villes de Barcelone et de Marseille.
Ce projet peut contribuer à renforcer la sécurité et l’autonomie énergétique de l’UE. Ce pipeline serait le premier à transporter de l’hydrogène vert renouvelable dans l’UE et pourrait transporter jusqu’à 10% de l’hydrogène vert de l’ensemble de l’UE. De plus, l’hydrogène est moins cher à produire que le gaz naturel ou le charbon.
L’Espagne pourrait se transformer, selon la présidente de la Commission, en un des “centres énergétiques de l’Europe”.
Les deux pays vont collaborer avec la Commission européenne afin de maximiser la finalisation du projet. La Commission est intéressée pour le financement de ce projet à partir de fonds européens comme le Next Generation. Cela permettrait d’atteindre des objectifs fixés par le programme REPowerEU : celui de la diversification énergétique ou de l’énergie propre par exemple.
Ce programme résulte de la guerre en Ukraine qui a révélé les faiblesses européennes sur le plan énergétique, ainsi que sa dépendance à la Russie. Le projet appelé BarMar s’inscrit également dans le cadre du Green Deal européen qui a pour objectif de rendre l’Union européenne neutre du point de vue climatique.
De l’autre côté de la Méditerranée, ce projet peut également influencer les relations avec le Nord de l’Afrique. En effet, cette région est très bien positionnée pour produire de l’hydrogène. Plus précisément, le Maroc et l’Algérie pourraient se positionner comme des concurrents potentiels dans l’exportation d’hydrogène vers l’UE.
En ce qui concerne la politique extérieure ainsi que la sécurité et la défense, le document de 24 pages prévoit un conseil franco-hispanique dans lequel seront réunis les ministres des Affaires extérieures et de la Défense.
Le traité de Barcelone opte aussi pour une facilitation à l’obtention du double baccalauréat et à l’essor des échanges culturels et artistiques : “Les Parties développent des dispositifs de coopération éducative et linguistique qui permettent la double délivrance du baccalauréat général français et du bachillerato espagnol, tels que le BachiBac et le Baccalauréat Français International (BFI)”
Une réponse à Biden
L’Union européenne s’intéresse au financement de projets comme BarMar même si cela est plus cher que les énergies renouvelables. Étant donné que la Chine est le principal producteur d’hydrogène au niveau mondial et qu’elle risque de contrôler les chaînes de valeur à la fin de la décennie, l’UE cherche à éviter une réitération de ce qui s’est passé avec l’énergie solaire. Rappelons que la Chine est à l’origine de la majorité de la production de panneaux solaires.
Les États Unis agissent eux aussi dans ce sens en réduisant les charges fiscales des entreprises productrices d’hydrogène. Entre les subventions chinoises et américaines en faveur des technologies vertes, la Commission européenne redoute que l’industrie manufacturière ne se détourne de l’Union.
L’alliance franco-espagnole peut renforcer la réponse européenne à l’Inflation Reduction Act, le plan d’investissement massif dans la transition énergétique du président américain Joe Biden. Ce projet s’inscrit dans la réponse européenne lancée le 16 mars 2023 pour concurrencer les Etats-Unis et la Chine à partir de son “plan industriel vert” aussi appelé Net Zero Industry Act.
Son objectif est de donner “la priorité aux technologies vertes, y compris l’énergie solaire et éolienne, en leur accordant davantage de financement et une plus grande liberté réglementaire”. L’Europe veut ainsi se lancer dans une “course aux subventions” pour éviter une fuite d’entreprises aux Etats-Unis où les conditions pourraient devenir plus avantageuses.
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