Une saison footballistique hors-normes en Europe

, par Jérôme Flury

Une saison footballistique hors-normes en Europe
Image : Matthew Henry / Burst

Des suspensions, des tribunes vides, des calendriers sans cesse remis à jour, des blessures et des absences en cascades mais surtout, des classements surprenants dans de nombreux pays : même si elle n’est pas encore arrivée à son terme, la saison 2020-2021 fera date dans la grande histoire du football continental. Sans oublier la dernière polémique autour de la nouvelle « Superligue européenne » et la fronde des grandes puissances (Real Madrid et Manchester en tête) qui ne cesse de prendre de l’ampleur.

Septuple vainqueur de la compétition, cinq fois champion consécutivement : l’Olympique lyonnais est un ogre sur la scène continentale féminine. Mais, le dimanche 18 avril, c’est un petit cataclysme qui s’est produit. L’équipe a en effet été éliminée chez elle en quart de finale retour (0-1 et 2-1), contre un autre club français, le Paris Saint-Germain. Pour la première fois depuis 2015, la Coupe va changer de mains. Et un nouveau nom sera à ajouter au palmarès puisque des quatre équipes encore qualifiées (Barcelone, Paris SG, Chelsea, Bayern Munich), aucune n’a déjà remporté cette récompense. Ce quart de finale de la Coupe d’Europe féminine entre le Paris Saint-Germain et Lyon avait dû être reporté en raison d’un « cluster » de cas de Covid au sein de l’effectif des Lyonnaises.

Chez les hommes aussi, le vainqueur de l’édition précédente a pris la porte dès les quarts de finale. Le Bayern Munich a en effet subi la loi du… Paris Saint-Germain (2-3 et 1-0) qui vise également un premier titre dans la compétition européenne phare. Le club allemand a dû faire face à de nombreux forfaits avec notamment des cas de « Covid-19 ». Une saison toujours plus ouverte et durant laquelle, la pandémie est malheureusement toujours aussi présente. Conséquence de cela, avec des stades sans public, la saison 2020-2021 va laisser une marque dans l’histoire du football continental. D’autant plus que certains résultats surprennent. Tour d’horizons de quelques championnats majeurs.

Italie : l’incroyable série de la Juventus en péril

C’est sans doute en Italie que la surprise est la plus grande cette année. La Juventus Turin, intouchable, injouable et championne en titre neuf fois consécutivement, a lâché du lest dans la course à la couronne. Avec 62 points en 31 matchs, les partenaires de Gianluigi Buffon sont à 13 unités de la tête du classement, à 7 matchs du terme. Un gouffre.

Le trophée devrait aller à Milan, car l’Inter Milan tient actuellement les rênes devant son rival de toujours, l’AC Milan. Les deux rivaux comptent le même nombre de titres nationaux (18 chacun) mais la forme étincelante du belge Romelu Lukaku semble garantir un titre qui échappe depuis 2010 à l’Inter de José Mourinho. De quoi marquer le coup alors que leur logo a récemment subi un petit « lifting ».

La Juventus a même carrément glissé à la 4e place, malgré les efforts de Cristiano Ronaldo, encore en tête du classement des buteurs avec 25 unités en 27 matchs à 36 ans révolus. Occupe la troisième place du podium une équipe de l’Atalanta Bergame qui confirme sa progression saison après saison. L’AS Rome et Naples, qui ont terminé à de nombreuses reprises vice-champion ces dernières saisons et se sont illustrés sur la scène européenne, ne sont que respectivement 7ème et 5ème du classement de Serie A.

Angleterre : Liverpool, une année sans

En Angleterre, plus que la présence à la première place de Manchester City, c’est l’absence du podium de Liverpool qui étonne. Vice-champion national et Champion d’Europe en 2019, Champion d’Angleterre après 30 ans de disette l’année suivante, les « Reds » étaient encore attendus au sommet cette saison. Mais dans ce championnat réputé comme l’un des plus disputés au monde, Liverpool n’occupe actuellement que la 6ème place du classement. D’autres historiques comme Chelsea (5ème) ou Arsenal (9ème) doivent aussi reconnaître la supériorité d’équipes comme Leicester, en forte progression ces dernières saisons ou encore West Ham United, club londonien, plus habitué à lutter pour son maintien que d’obtenir une surprenante 4ème place.

France : un match surprenant en tête du classement

En France aussi, le scénario se dessinant pour la fin de championnat n’était pas forcément attendu. Lors de la saison précédente, qui n’avait pu aller à son terme en raison de la crise sanitaire, le Paris Saint-Germain avait terminé avec 12 points d’avance sur Marseille, 18 sur Rennes et 19 sur Lille, malgré un match en moins. Une avance large pour une équipe qui avait également remporté le Trophée des champions, la défunte Coupe de la ligue et la Coupe de France. Sans oublier une finale continentale contre le… Bayern Munich perdue 1-0 en août dernier. Depuis 2012, le PSG a donc raflé sept fois le championnat, seul Monaco brisant la série en 2016-2017.

Dès lors, comment expliquer cette saison étrange des Parisiens, alternant le très bon (grosses prestations sur la scène européenne, victoires en coupe) et les résultats catastrophiques (défaites subies à Lorient, à domicile contre Nantes, Monaco, Lille, Lyon et Marseille) ? Finalement, après 33 matchs, le classement est très serré, avec quatre équipes en 4 points, et c’est un surprenant Lille qui occupe le fauteuil de leader, à cinq journées de la fin. D’autres clubs tirent particulièrement leur épingle du jeu comme Metz (9ème) ou le promu lensois, surprenant 5ème du classement. Et un collectif comme Monaco, 3ème à deux petits points du leader, affiche finalement un niveau de jeu impressionnant, alors qu’il n’avait terminé que 9ème la saison d’avant.

Espagne : un suspense encore grand

Cette 90ème édition du championnat de la Liga est éreintante. C’est ce qu’a reconnu Zinedine Zidane, confiant récemment en conférence de presse que ses joueurs du Real Madrid, tenants du titre, étaient au bord de l’épuisement. La lutte pour conserver le titre national, ce que le Real n’est plus parvenu à faire depuis 2008, bat son plein.

Et petite sensation, ce n’est pas l’immense rival du FC Barcelone qui pose le plus de problèmes cette année mais...le voisin de l’Atletico Madrid. Alors que le sprint final est lancé, les « Colchoneros » possèdent trois petits points d’avance en tête du classement. Cela pourrait ne pas s’avérer suffisant mais si les coéquipiers de Luis Suarez vont au bout, ils récupéreront un trophée qu’ils n’ont pas caressé depuis 2014.

En Ecosse, les Rangers 10 ans après

Rien de plus simple que d’apprendre la liste des neuf vainqueurs du championnat d’Ecosse depuis 2011 : Le Celtic Glasgow. Et si cette année, la coupe reste bien à Glasgow, elle passe entre les mains du rival honni, les Rangers, qui retrouvent la lumière après avoir été rétrogradés administrativement et avoir dû rattraper en quelques saisons un écart immense avec son voisin et pire ennemi.

Cette saison toutefois, les Rangers étaient tout simplement trop forts et n’ont laissé aucune chance au Celtic, les battant dans les Old Firm et affichant même en avril, 20 points d’avance au classement. De quoi assurer d’ores et déjà un … 55e titre de Champion d’Ecosse, dix ans après le précédent. Les Rangers sont donc de retour !!

Portugal : 19 ans plus tard, le Sporting va-t-il le faire ?

Un coup d’œil au classement surprend aussi l’amateur de football lusitanien. Dans le pays des champions d’Europe 2016, le titre national n’échappe pas à Benfica ou Porto depuis… 2002 ! Pourtant, en ce mois d’avril 2021, ni le club de la capitale du pays, ni le club de la deuxième plus grande agglomération portugaise n’occupent la tête du classement. Non, c’est le Sporting Portugal, 3e force footballistique du Portugal, qui est devant et qui pourrait récupérer un trophée qu’il n’a pas détenu depuis 19 ans.

Allemagne : mais que fait Dortmund ?

En Allemagne, un peu de rigueur. Le Bayern Munich tient son rang, preuve encore une fois s’il le fallait, de sa maîtrise sur la scène nationale. Mais derrière lui, point de Dortmund ! Si la présence de Leipzig en 2ème position n’étonne pas tant, le haut de tableau soulève quelques interrogations.

Wolfsburg et Francfort, 3ème et 4ème à quelques rencontres du terme, n’étaient pas mieux classés que 7ème la saison précédente. Mais leur bonne forme contraint Mönchengladbach à glisser de la 4ème à la 7ème position en un an. Mais surtout voir le Borussia Dortmund, vice-champion les deux années précédentes, être bloqué en 5ème position a de quoi surprendre. Une place qui ne permettrait pas au quart de finaliste de la Ligue des champions de retrouver la Coupe d’Europe en septembre prochain.

2020-2021 restera aussi dans l’histoire comme étant celle durant laquelle Belges et Néerlandais se sont mis d’accord pour la création d’un championnat fusionné inédit. Deux pays dans lesquels les tenants du titre, Bruges et Amsterdam, étaient en tête de leurs ligues. Mais il fallait bien un peu de folie pour agrémenter cette saison hors-norme.

La Super Ligue, la surprise du chef

Bien que la pandémie de Covid fasse énormément de mal à ce sport, avec des enjeux sportifs parfois remis en question face aux forfaits ou aux reprogrammations de match, mais aussi et surtout avec une nouvelle fâcheuse habitude de jouer des matchs dans de gigantesques arènes dénuées du moindre spectateur, le football rappelle cette année quelle est l’une de ses grandes forces. Son imprévisibilité, son suspense, ses résultats qui déjouent les pronostics. Peu de monde voyait West Ham se classer devant Liverpool en Angleterre, l’hégémonie de la Juventus s’arrêter soudainement en Italie ou le Paris Saint-Germain perdre à Lorient ou contre Nantes.

Chaque fin de semaine, les matchs de ces athlètes professionnels, autorisés exceptionnellement à poursuivre leur métier, comblent de bonheur certains fans. Il semblerait que cette force de la surprise ne soit plus au goût de tous les « Grands » clubs du continent, fébriles à l’idée que des « petits » puissent se joindre au bal. Ainsi, le 18 avril, à la stupeur de nombreux observateurs - bien qu’une telle idée couvait depuis un moment - 12 mastodontes du foot continental ont annoncé en grande pompe la création d’une « Super Ligue ». Pour le moment, certains clubs « résistent » tel le colosse allemand du Bayern https://www.taurillon.org/le-bayern-munich-tres-grand-d-europe-et-symbole-des-puissants-du-football] ou encore le PSG qui n’ont pas répondu à l’invitation.

Ainsi, six clubs anglais dont Arsenal, piteux 10e cette année, trois italiens et trois espagnols ont annoncé qu’ils allaient mettre en place une ligue fermée entre eux, pour assurer de « grosses » affiches, gagner toujours plus de droits télévisés et d’argent. Les enjeux financiers semblent avoir déjà depuis longtemps pris le pas sur l’émotion dans ce sport et un tel projet de « Super Ligue » n’est pas si neuf. Seulement, il n’avait jamais semblé si concret.

Cette ligue qui devait à terme accueillir 15 clubs fixes et cinq invités différents chaque année, fait concurrence immédiate à la Ligue des Champions de l’Union européenne de Football association (UEFA). Cette dernière, dans un communiqué cosigné par plusieurs championnats nationaux dénonçant un « projet cynique », a annoncé que tout club participant à cette « Super Ligue » serait exclu des compétitions nationales et internationales, et que leurs joueurs ne pourraient plus jouer dans leurs équipes nationales, par exemple à l’Euro ou à la Coupe du monde.

Droit, économie, politique, une crise multiple

Les réactions sont nombreuses, à la fois de personnalités sportives et politiques. En France Clément Beaune, secrétaire d’Etat chargé des Affaires européennes, et le président Emmanuel Macron ont rapidement réagis. Quant à Margarítis Schinás, vice-président de la Commission européenne, chargé des Migrations et de la promotion du mode de vie européen, ce dernier rappelle que « l’universalité, l’inclusion et la diversité sont des éléments clés du sport européen et du mode de vie européen ».

La bataille juridico-politico-économique qui s’est engagée a finalement tourné court, alors que l’immense majorité des 12 clubs initiaux sont finalement revenus sur leurs décision première, sous le coup de pressions diverses. L’ensemble de la planète foot a tout de même tremblé en Europe et ce soulèvement ne devrait certainement pas rester sans conséquences. L’UEFA a par ailleurs immédiatement répliqué en annonçant une réforme de la Ligue des champions masculine, alors qu’une réforme de la compétition féminine était déjà programmée pour septembre prochain.

Drôle d’année donc pour le football européen, dont le sommet devait être celui du championnat d’Europe des nations, qui devait se dérouler à l’été 2020 pour célébrer les 60 ans de sa création. Reporté du 11 juin au 11 juillet 2021, le tournoi n’est pour le moment pas encore vraiment dans les esprits de sélections qui ont déjà entamé les qualifications au prochain mondial et parfois de manière là encore étonnante. Dans le groupe J, l’Arménie (9 points) et la Macédoine du nord (6 points) sont ainsi pour le moment devant l’Allemagne, troisième de son groupe avec 6 points également… Une saison de foot complètement dingue et dont il n’a jamais été aussi dur de prédire l’avenir du football en Europe.

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