L’Italie en vert… foncé !
Comme dans la majorité des États du Sud de l’Europe, l’écologisme ne pèse pas lourd sur l’échiquier politique national. Les divers micro-partis écolos de la Botte n’ont aucun représentant au Parlement, et guère plus dans les chambres locales. Dans les années 2000, une myriade de partis de la gauche plurielle s’est associée pour former le Parti démocrate (PD) mais sans que les Verts n’arrivent à exprimer une voix si ce n’est indépendante mais au moins discernable.
De plus, depuis les dernières élections législatives de 2018, le Pays de Verdi penche à droite, voire très à droite. Et cette tendance s’est confirmée en 2019 pour le scrutin européen, l’Italie se couvrant de vert : le parti régionaliste anti-immigration Liga est associé au vert sombre, couleur donné au Soleil des Alpes, symbole de la Padanie, région autour de la vallée du Pô, bastion régionaliste historique de la Ligue du Nord. La Liga multiplie par 6 son score en recueillant 34% des suffrages et 29 députés sur les 76 italiens. Le PD, arrivé deuxième loin derrière avec 22% des voix, garde 19 députés, 12 de moins qu’en 2014. L’antisystème Mouvement 5 étoiles (M5S) et le parti de l’indéboulonnable Berlusconi continuent leur lente décrépitude en recueillant respectivement 17% et à peine 9% des voix, ils préservent 14 et 7 sièges. Frères d’Italie, formation nationale-conservatrice continue elle sa lente et inquiétante progression avec 6% des voix et autant de sièges à Strasbourg. À noter que la première coalition écologiste réunit 2,3% des voix, en augmentation tout de même d’1,4 point. L’Italie n’a donc aucun représentant écologiste à Strasbourg.
Occultée par la problématique de l’accueil des migrants, question clé dans ce pays alors que l’Italie est la principale porte d’entrée vers l’Europe, et les thèmes que certains en font découler, à savoir la sécurité et les valeurs et traditions italiennes, l’écologie n’apparait presque pas dans la campagne pour ce scrutin.
Les premières pousses vertes en Italie
Au niveau européen, la coalition Verts/Alliance libre européenne (V/ALE) se classe quatrième du scrutin avec 9,85% des voix et 75 députés, son meilleur score, derrière les libéraux de Renew Europe (14,38%) et juste devant les divers nationalistes et eurosceptiques d’Identité et démocratie (9,72%). La coalition écologiste profite de la hausse de la participation (+8 points à 50,63%) en gagnant 2,4% des voix et 22 sièges supplémentaires.
Mais, à l’instar de tous les partis politiques de Strasbourg, le Brexit entraine des pertes chez les Verts qui perdent sept sièges. Néanmoins, l’eurodéputée polonaise socialiste Sylwia Spurek rejoint les rangs écolos en septembre dernier et donne à son pays son premier représentant vert à Strasbourg. En décembre dernier, c’est au tour de l’Italie de se doter d’eurodéputés verts : Ignazio Corrao, Rosa d’Amato, Eleonora Evi et Piernicola Pedicini ont ainsi rejoints les rangs verts au Parlement européen. Tous sont issus du M5S. Le groupe Vert compte désormais 73 eurodéputés venant de 17 pays différents. Illustration supplémentaire de l’indécision parlementaire du mouvement antisystème italien.
Le M5S ne sait pas où s’assoir
Le Movimento 5 Stelle est créé en 2009 pour lutter contre le « système » en place, contre une corruption endémique en Italie et la mondialisation dont le libéralisme mis en place par l’Union européenne. Attrape-tout, il adopte des positions à gauche sur les questions liées à l’environnement, la place de la religion dans la société, les droits LGBT et se déclare pro-européen tout en voulant refondre sa politique économique.
Lors de son entrée au Parlement européen en 2014, les militants souhaitent que leur parti rejoigne l’Alliance des libéraux et démocrates européens (ALDE) qui refusera. Dans un grand écart dont Strasbourg a le secret, le M5S rejoint finalement l’EFDD (Europe de la liberté et de la démocratie directe) du britannique Farage…
Mais en 2020, les eurodéputés britanniques quittent Strasbourg emportant Nigel Farage et l’EFDD. Le M5S se retrouve une nouvelle fois non inscrit, aux côtés d’ultranationalistes slovaques, grecs, allemands et d’humanistes ou satiriques croates, allemands et néerlandais, devenant le seul parti de gouvernement à se retrouver sans affiliation au niveau européen.
Le M5S qui se revendique attrape-tout peut se mettre d’accord sur certaines thématiques comme la lutte contre la corruption, la défense de l’environnement, une orientation économique tournée vers les plus défavorisés… mais la question européenne transcende et divise tous les partis. La coalition de gouvernement formée avec la Liga en 2018 confirme les hésitations des Verts européens. Cependant, quelques semaines après la fin de la coalition Liga-M5S et la nouvelle alliance M5S-PD toujours dirigée par Giuseppe Conte, le président des Verts Philippe Lamberts annonce une reprise des discussions malgré les critiques qui persistent notamment sur le statut du parti. Lassés de ce flou politique mais aussi afin de s’assurer une position plus efficace (les députés non-inscrits bénéficient de droits moindres notamment sur le temps de parole), quatre eurodéputés du M5S ont décidé de s’affranchir de leur parti et de s’affilier directement, sans passer par un parti national, à l’alliance verte européenne.
Ce mouvement d’eurodéputés vers les partis verts traduit la prise de conscience écologique des citoyens et des élus. Les partis écolos gagnent de plus en plus de sièges dans certains pays européens (comme en Autriche, en Suisse) ou en Allemagne où ils talonnent la Grosse Koalition). Puissance émergente ? Alternative aux partis de la gauche traditionnelle ? Épiphénomène de la jeunesse bobo ? Le référendum annoncé par Emmanuel Macron sur l’inscription dans la Constitution de la défense de l’environnement constitue une preuve supplémentaire que cette question est aujourd’hui au centre de l’attention politique.
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