Un mirage : l’Allemagne a du succès
Seulement trois pays de l’Union européenne ont un taux de chômage des jeunes en-dessous de dix pour cent. L’Allemagne en fait partie. En 2011, 8,5 % des jeunes âgés de moins de 25 ans étaient inscrits au chômage. Seuls l’Autriche et les Pays-Bas ont fait mieux. Pourquoi l’Allemagne est-elle si bien placée alors que l’UE est en pleine crise économique et que les jeunes en souffrent généralement le plus – en Europe, un jeune sur 5 est au chômage.
En effet, l’économie allemande a connu une solide croissance depuis le début de la crise en 2009. Le PIB a grimpé de 3,7 points en 2011 et de 3,0 % l’année dernière. La croissance crée de l’emploi dont ont pu particulièrement profiter les jeunes âgés de moins de 25 ans. Pour la première fois depuis 2004 le différentiel entre le taux chômage global et celui des moins de 25 ans est passé en dessous de la barre des 3 %.
La réalité : beaucoup de jeunes sont dans des voies de garage
La réalité des chiffres est par contre faussée. La République fédérale ne compte pas les jeunes réalisant des formations professionnelles et des stages. En mars 2011, environ 320 000 personnes faisaient partie de ce système, contre presque 300 000 personnes de moins de 25 ans inscrites au chômage. Les bons chiffres des dernières années ne montrent pas toute la vérité. En réalité, les jeunes concernés par le chômage sont beaucoup plus nombreux que les 8,5 % des chiffres officiels.
De plus, les formations et les stages ne garantissent pas toujours l’intégration dans le monde professionnel. « Les chances d’obtenir un contrat relativement stable à la sortie de ces formations sont très limitées », affirme Walter R. Heinz, professeur à l’Université de Brême. Et selon Stefan Sell, professeur de politique sociale à la Haute école spécialisée de Coblence, le système est trop scolaire et éloigné de la réalité professionnelle. Pour beaucoup de jeunes, les formations parrallèles sont une impasse : « presque 40 %, c’est-à-dire 150 000 jeunes, quittent le système sans avoir les bases pour entrer dans le monde professionnel », constate la fondation Konrad Adenauer en novembre 2011.
Les erreurs de ce système et une mauvaise formation scolaire font que 17 % de la tranche d’âge des 20-30 ans se retrouvent sans diplôme professionnel. On est loin d’un bilan positif pour les jeunes, même en Allemagne.
Besoin de personnel qualifié
Et pourtant, nombre de postes restent vacants. Le personnel spécialisé se fait rare. En janvier 2012, 80 000 postes d’ingiéneur n’ont pas pu être pourvus note l’Association d’ingénieurs allemands (Verein Deutscher Ingenieure, VDI), un chiffre d’ailleurs contesté. Le directeur du VDI, Willi Fuchs, part du fait que les besoins en personnel qualifié vont encore augmenter dans les prochaines années : « la moitié des ingénieurs devra être renouvelée d’ici 15 ans » a-t-il déclaré au « Karriere Spiegel ».
D’autres secteurs ont aussi besoin de renouveler leur personnel. Une étude des Universités de Bamberg et de Francfort montre qu’un tiers des postes vacants dans les entreprises du « top 1 000 » en 2012 seront difficiles à pourvoir. Notamment dans le secteur de la recherche et du développement ainsi que dans la branche des technologies informatiques.
Selon certains pronostics, le besoin de jeunes sur le marché du travail augmentera davantage dans l’avenir au vu de la perte d’une population active disponible (tranche d’âge des 20 à 65 ans) de huit millions de personnes en Allemagne. Le groupe « consensus : besoin de personnel qualifié-immigration » a qualifié cette tendance démographique comme une « menace réelle » pour l’économie allemande.
Cependant, seules les personnes ayant une bonne formation pourront profiter de la situation économique. Les personnes restant sans qualification professionnelle resteront perdants sur le marché du travail. Par rapport aux diplômés d’université, leur risque de chômage est trois fois plus élevé et ils restent presque 100 jours de plus au chômage (264 jours contre 177). Ils ont en plus souffert d’une perte de leur salaire réel depuis 1990. L’Institut de recherche pour le marché du travail et la profession de l’Agence fédérale pour l’emploi (ce qui correspond au Pôle emploi francais) concluent que : « les moins qualifiés n’ont pas participé à la prospérité de ces 25 dernières années ».
En général, les employeurs demandent plus de qualification et de flexibilité chez les débutants aujourd’hui. « Les moins qualifiés sont les véritables perdants des risques croissants sur le marché du travail », résume le professeur Blossenfeld.
Du potentiel pour les Européens bien formés
Du point de vue européen cela signifie que l’Allemagne doit attirer de plus en plus de personnel hautement qualifié venant des pays membres de l’UE ce qui pourra en partie répondre aux besoins du marché du travail. Le groupe « consensus : besoin de personnel qualifié-immigration » appelle à « réaliser plus de campagnes d’information et de publicité ». Mais l’Allemagne doit aussi rattraper regarder en dehors de l’UE. Entre 2007 et 2009 seules 363 personnes hautement qualifiées auraient immigré en Allemagne. Ces chiffres sont 50 fois plus élevés en Grande Bretagne selon Bernhard Lorentz de la fondation Mercator.
Dans cette perspective, il semble que l’Allemagne peut même profiter de la crise économique européenne. En Espagne, où la moitié des moins 25 ans sont au chômage les inscriptions aux cours de langue allemande augmentent. L’Institut Goethe de San Sebastián constate une hausse de 25% des inscriptions depuis décembre 2010. Ceci vaut également pour les demandes de renseignement auprès de l’« Agence centrale pour professionnels étrangers de l’Agence fédérale pour l’emploi ». Depuis janvier 2012, cette agence de conseil a renforcé son offre et soutient les employeurs dans la recherche de personnel à l’étranger grâce à des équipes spécialisées.
Une condition préalable pour tout chercheur d’emploi en Allemagne est de bien maîtriser la langue allemande. Avertissement formulé dans une brochure d’information de l’agence : « les étrangers qui ne parlent pas bien allemand affronteront des difficultés sur le marché du travail ». Seules les branches de l’informatique et quelques domaines spécialisés peuvent se satisfaire de l’anglais.
Il faut aller plus loin dans les mesures permettant une réelle mobilité des travailleurs en Europe. La crise qui secoue l’Europe trouvera sa solution à l’échelle de l’Union et la mobilité des travailleurs doit être favorisée.
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